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Que va devenir Volodymyr Zelensky, le président de l'Ukraine ? Quatre scénarios possibles
L'avenir de Volodymyr Zelensky reste incertain.
Handout / UKRAINE PRESIDENCY / AFP

Que va devenir Volodymyr Zelensky, le président de l'Ukraine ? Quatre scénarios possibles

Offensive russe

Par Hugo Romani

Publié le

Alors que l'offensive de la Russie se poursuit, le président de l'Ukraine Volodymyr Zelensky se retrouve au centre du jeu international. S'il oppose pour le moment une résistance à la volonté expansive de Vladimir Poutine, pourra-t-il longtemps continuer à lutter ?

Commencé en 2013, le conflit entre la Russie et l’Ukraine s’est intensifié depuis le 23 février avec le bombardement et l’invasion du territoire ukrainien par les troupes russes. Au centre de cet affrontement se trouve Volodymyr Zelensky. Ancien acteur et humoriste, le représentant du parti Serviteur du Peuple, du nom de la série qui l'a fait connaître, a été élu président en 2019. Originaire du sud-est russophone du pays, il est, au moment de son élection, plutôt apprécié par la communauté prorusse.

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« Zelensky est le seul candidat à mener une campagne positive, qui n’est fondée ni sur la peur des Russes ni sur l’effondrement économique » expliquait le politologue Volodymyr Fessenko à La Croix en 2019. La situation s’est toutefois nettement tendue depuis. Les évènements récents ont encore un peu plus fragilisé la position du chef d’État ukrainien. Son avenir semble désormais incertain. Marianne a sondé Jean Radvanyi, professeur émérite à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) et spécialiste de la Russie et ex-URSS, sur les différents scénarios qui pourraient concerner Zelensky

1. Un chef de guerre résistant

Le scénario du chef de guerre résistant semble aujourd’hui le plus probable si l'on se fie aux différentes déclarations du président ukrainien. « Ils disent que la flamme de la guerre libérera le peuple ukrainien, mais les Ukrainiens sont libres. Qui peut arrêter [la guerre] ? Les gens. Et ces personnes sont parmi vous, j'en suis sûr » a-t-il affirmé lors d’une allocution sur la télévision nationale. Une posture proche d’un chef de guerre.

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« C’est ce scénario qui est actuellement en train de se passer, explique Jean Radvanyi. Volodymyr Zelensky a le soutien moral du peuple ukrainien. Il a été élu en 2019 et possède donc toute la légitimité pour un chef de guerre. Il ne dispose cependant pas des moyens militaires pour affronter les Russes, puisque l’armée de Vladimir Poutine est en train de détruire ses infrastructures. Mais il possède le soutien des pays occidentaux.»

Même si Kiev tombait aux mains des Russes, le pouvoir en place pourrait déplacer son siège dans une autre ville. Comme en Libye en 2014. À cette époque, le gouvernement réfugié sur Tobrouk était le seul reconnu par la communauté internationale tandis qu'un gouvernement rival trônait à Tripoli la capitale libyenne. Exemple plus extrême encore, en 2019, au Yémen : alors que le gouvernement reconnu par la communauté internationale a été contraint de s'exiler en Arabie saoudite, les forces séparatistes prenaient le palais présidentiel à Aden. Cependant, ces deux exemples se situent dans le cadre d'une guerre civile – certes alimentée par des forces étrangères – et non pas dans celui d'une attaque militaire d'un état voisin.

2. Une exfiltration hors d’Ukraine

Une exfiltration hors d’Ukraine commence à devenir envisageable après la déclaration de Jean-Yves le Drian, le ministre des Affaires étrangères français, sur les antennes de France Inter ce 25 février au matin. Le chef de la diplomatie française a déclaré s’inquiéter pour le chef d’État ukrainien : « La sécurité du président Zelensky est un élément central de ce qu’il se passe maintenant. Nous sommes en situation de pouvoir l’aider si nécessaire. Nous prendrons les dispositions qu’il convient de prendre. » Toutefois l’hypothèse d’une exfiltration n’a pas été évoquée. Pour Jean Radvanyi, cette décision paraît « possible » mais « pas souhaitable ».

L’exfiltration a été déjà utilisée en France pour aider le président burkinabé Blaise Compaoré. Face au possible risque d’une guerre civile en 2014, Paris avait envoyé des hélicoptères français pour déplacer le chef d'État vers la Côte d’Ivoire. Le Quai d’Orsay avait justifié cette décision par la formule « ni ingérence ni indifférence ». Dans un conflit de nature internationale, une telle mesure ne serait pas sans risque mais la France a démontré ses capacités en la matière.

3. Une cible à abattre pour les Russes

Ce vendredi, Volodymyr Zelensky s’est à nouveau adressé à la nation ukrainienne. « D'après les renseignements dont je dispose, l'ennemi m'a identifié comme la cible numéro 1, a-t-il déclaré. Ma famille comme cible numéro 2. Ils veulent détruire politiquement l'Ukraine en éliminant son chef d'État. Je reste dans la capitale. Ma famille est également en Ukraine. Mes enfants sont en Ukraine. Les membres de ma famille ne sont pas des traîtres, ils sont des citoyens ukrainiens. Je n'ai cependant pas le droit de dire où ils se trouvent exactement. »

Pourtant Jean Radvanyi juge peu probable une arrestation opérée par de l’armée russe. « Ce serait vraiment extravagant de leur part estime-t-il. Je ne pense d’ailleurs pas qu’ils ont les moyens puisque les gens autour du président Zelensky lui ont certainement déjà préparé un refuge. »

Mais dans l'histoire, les cas de renversements de régime dans le cadre d'une invasion sont légion. La plus importante restera sans doute celle de Saddam Hussein en Irak. En 2003, une coalition menée par le Royaume-Uni et les États-Unis parvient à renverser le chef d’État irakien. En prenant le contrôle de la capitale Bagdad, l’armée américaine fait chanceler le régime. Dix jours de bataille au sein de la capitale ont réussi à mettre fin au pouvoir de Saddam Hussein. Arrêté par les Américains, ce dernier sera jugé devant un tribunal irakien avant d’être exécuté en 2006.

4. Une destitution par les Russes

Si Volodymyr Zelensky ne peut pas être une cible militaire, peut-il devenir une cible politique ? Cette hypothèse marquerait une perte de souveraineté de l’Ukraine et une prise de pouvoir russe.

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Mais selon Jean Radvanyi, ce scénario relève de la fiction. « C’est tout à fait peu probable car la population de l’Ukraine ne suivra pas, juge-t-il. Le pouvoir en place serait fantoche. Cela donnerait la même configuration qu'au Vietnam avec les Américains. La résistance qu’opposent les Ukrainiens sera vraiment forte d’autant qu’il y a un sentiment de plus en plus russophobe de la part de la population. Ce phénomène est vraiment récent, ça n’a commencé que vers 2014. Mais ce paramètre, Poutine ne l’a pas pris en compte. »

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne