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Covid-19 : face à la flambée de l'épidémie, la Chine persiste à cacher la réalité
Selon les experts, la population chinoise n'a pas été suffisamment vaccinée.
STR / AFP

Covid-19 : face à la flambée de l'épidémie, la Chine persiste à cacher la réalité

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L'inquiétude grandit dans le monde alors que l'épidémie semble incontrôlable en Chine, où les autorités continuent à manquer de transparence. Sans information sur le nombre de cas ou les variants concernés, certains pays comme les États-Unis ou l'Italie ont recours aux tests aux frontières pour essayer d'en savoir plus.

Les États-Unis ont rejoint l'Italie, l'Inde ou le Japon, en imposant des tests aux passagers en provenance de Chine, où l'épidémie de Covid-19 sévit à un niveau inédit, mais inconnu. Les autorités ont en effet arrêté de comptabiliser le nombre de nouveaux cas et ne fournissent aucune donnée fiable aux autres pays. En résumé, personne ne sait exactement ce qui se passe en Chine. Les contrôles aux frontières sont donc pensés pour tenter d'en avoir une idée un peu plus claire. Pour l'heure, ils ne sont pas encore mis en place en France, où on attend une décision à l'échelle européenne.

Pour l'Europe, le principal risque réside dans l'arrivée de variants inconnus, à la transmissibilité et à la virulence possiblement plus élevés, alors qu'on ne sait pas clairement quels sont ceux qui sévissent en Chine. « Une rumeur peu fondée a évoqué le rôle du sous-variant BF.7 d’Omicron [connu en France, où il est minoritaire : N.D.L.R]. D’autres données postées par les Chinois sur la plateforme ouverte internationale GISAID évoquent de multiples sous-variants déjà connus d’Omicron », explique l'épidémiologiste Antoine Flahault à Marianne.

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« En l’absence de confiance dans les données officielles chinoises, une bonne façon d’obtenir des renseignements sur les variants circulant en Chine est de tester par PCR tous les voyageurs en provenance de Chine et de séquencer tous les virus identifiés pour compléter notre veille sanitaire internationale. Mais il est illusoire d’espérer contrer l’arrivée d’un nouveau variant venant de Chine », poursuit le directeur de l’Institut de santé globale de l’université de Genève. Ce jeudi, des nouvelles rassurantes sont venues d'Italie, où Giorgia Meloni a annoncé que les voyageurs testés positifs à ce stade sont porteurs de « variants Omicron déjà présents » dans le pays.

Des millions de cas potentiels chaque jour

Mais l'OMS (Organisation mondiale de la santé) s'impatiente face au manque de transparence des autorités chinoises. « L'OMS est très préoccupée par l'évolution de la situation en Chine […]. Afin de procéder à une évaluation complète des risques de la situation, l'OMS a besoin d'informations plus détaillées sur la gravité de la maladie, les admissions hospitalières et les besoins en matière d'unités de soins intensifs », déclarait son directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus la semaine dernière.

Depuis le 7 décembre dernier – et la levée de la politique « zéro Covid » qui a tenu le pays isolé du monde et du virus – la Chine semble en effet avoir lâché les rênes face à une vague qui déferlait déjà violemment. Les tests obligatoires, pratiqués presque quotidiennement dans les grandes villes, ont été abandonnés et ne permettent plus d'alimenter des statistiques que la population jugeait de toute façon tronquées.

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De la même manière, les modalités de comptage des décès liés au Covid-19 ont été modifiés, en ne retenant que les patients directement décédés d’une insuffisance respiratoire liée au Covid-19 et non ceux qui souffraient déjà de comorbidités. Une modification qui risque de minorer la gravité de la vague épidémique.

Officiellement, seules un peu plus de 5 200 personnes seraient mortes du Covid depuis le début de l'épidémie en Chine. Un chiffre qui semble très largement inférieur à la réalité. La semaine dernière, le témoignage dans un organe de presse géré par le Parti communiste – rapidement censuré – d'un responsable municipal indiquait que 500 000 personnes seraient contaminées chaque jour dans la seule ville de Qingdao, peuplée de 10 millions d'habitants au nord-est du pays.

Manque de transparence

Les risques pour la population chinoise sont donc très élevés. « Les personnes âgées semblent insuffisamment protégées par le vaccin et risquent des formes graves ou des décès. L’ensemble de la population devient aussi à risque de Covid longs, comme nos populations désormais », indique l'épidémiologiste Antoine Flahault. Selon les chiffres de la Chinese National Health Commission, parmi les plus de 80 ans, moins de 60 % ont reçu une dose de vaccin et seulement 20 % ont eu deux doses et un rappel. « Les autorités chinoises se sont comportées comme si leur stratégie zéro Covid allait durer pour l’éternité. Elles n’ont donné aucune ligne de conduite pour chercher à sortir et n'ont rien fait alors qu'elles savaient leur population insuffisamment vaccinée », poursuit Antoine Flahault.

Le basculement brutal de la situation semble avoir, une nouvelle fois, conduit les autorités chinoises à masquer la réalité. « Après l’épisode de Wuhan, la stratégie zéro Covid était très efficace et les autorités chinoises ont eu à cœur de montrer avec une certaine transparence la qualité de leur réponse à la pandémie. Lorsque les digues ont sauté, elles ont été prises de court, avec un sentiment probable d’humiliation devant la face du monde, et elles peinent à reconstruire un narratif officiel. Cela se traduit aujourd’hui par un manque total de transparence à tous les étages de l’information officielle », observe Antoine Flahault.

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Malgré les appels pressants de la communauté internationale, la Chine n'a pas encore levé tous les verrous permettant d'élucider les origines de la pandémie. « Pour lever l’urgence de portée internationale, nous avons toujours besoin de savoir comment la pandémie a commencé et nous interrogeons toujours la Chine à ce propos », a récemment rappelé Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l'OMS. En attendant, les experts continuent de s'écharper sur le point de savoir si l'épidémie est le fait d'un « débordement zoonotique » au marché de Wuhan –hypothèse jugée la plus probable – ou s'il s'agit d'une fuite, intervenue dans une ville qui concentre plusieurs laboratoires menant des recherches sur les coronavirus de chauve-souris.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne