Accueil

Politique Le Pen
Marine Le Pen veut réformer l'IFI, mais à la fin, ce sont toujours les riches qui gagnent
Marine Le Pen et Jordan Bardella.
AFP

Marine Le Pen veut réformer l'IFI, mais à la fin, ce sont toujours les riches qui gagnent

Joue-la comme Picsou

Par

Publié le

Invité de Franceinfo ce mardi 19 avril, Jordan Bardella, président du RN, a toutes les peines du monde à démontrer que la réforme de l'Impôt sur la fortune immobilière proposée par le Rassemblement national ne favorisera pas (encore) les plus riches.

Prendre aux riches pour donner aux riches. C’est, en substance, le projet du Rassemblement national concernant une éventuelle réforme de l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI), version extra-light de l’ISF instaurée au début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Invité de Franceinfo ce mardi 19 avril, Jordan Bardella, président du RN, a eu toutes les peines du monde à démontrer le contraire, malgré sa défense acharnée de la proposition consistant à transformer l’IFI en impôt sur la fortune financière – soit, pour le dire grossièrement, sur les revenus du capital.

« Ce qu’on souhaite faire, contrairement à Emmanuel Macron qui lui charge la pierre, charge ce qui appartient aux Français, c’est charger le capital, et permettre aux Français de ne pas payer d’impôt sur leur résidence principale ou leur résidence unique – par exemple vous avez acheté une maison en province pour passer vos vieux jours, cette maison n’est pas chargée fiscalement, explique le lieutenant de Marine Le Pen. Donc nous supprimerons l’IFI pour le remplacer par un impôt sur la fortune financière. Même taux, sauf qu’on va évidemment taxer la spéculation, ou les œuvres d’art qui sont détenues depuis dix ans, ou l’immobilier de rapport. »

A LIRE AUSSI : Trois fois non : contrairement à ce que dit Macron, supprimer l’ISF n’a pas été bon pour l’économie

Ce beau raisonnement, censé permettre de « défendre l’enracinement » des Français selon la candidate nationaliste, tiendrait si, comme les intervieweurs de Franceinfo le font justement remarquer à Jordan Bardella, l’IFI ne faisait pas déjà l’objet d’un abattement fiscal pour les résidences principales dont la valeur est inférieure à 1,9 million d’euros. Autrement dit, la réforme proposée par le RN reviendrait de fait à ne plus taxer au titre d’un impôt sur la fortune ceux dont la résidence principale a une valeur supérieure à 1,9 million d’euros. « Quand on parle du bâti, je pense que c’est le patrimoine des Français », avance Jordan Bardella.

Défense des (gros) propriétaires

« Le patrimoine d’un très petit nombre de Français », devrait plutôt dire le président du RN. Rappelons en effet que, selon les données publiées par l’Insee en mai 2021, le patrimoine net médian des Français – à la fois financier et immobilier – était de 117 600 euros en 2018. Quant au patrimoine moyen, il était de 242 000 euros. 49,3 % du patrimoine net national était détenu par les 10 % de nos compatriotes les plus riches, tandis que seulement 22 % des Français appartenant à la moitié la plus pauvre du pays étaient propriétaires de leur résidence principale.

Lorsqu’on demande à Jordan Bardella qui est aujourd’hui à la tête de patrimoines tels qu’ils sont susceptibles d’entrer dans l’assiette de l’IFI, Jordan Bardella tente de sauver les apparences : « Mais ça n’est pas le sujet… Ce que nous disons, c’est qu’Emmanuel Macron a fait un choix profondément injuste, qui est celui de charger fiscalement ce qui appartient aux Français. Nous préférons nous charger la spéculation et l’immobilier de rapport. C’est tout ce que nous disons, maintenant sur les seuils et sur les taux ce sera exactement identique. » Qu’on ne s’y trompe pas : la philosophie de la mesure défendue par le RN n’est pas d’instaurer plus de justice sociale, mais de protéger l’ancrage foncier des gros propriétaires français.

Encore perdu

« Non, nous avons des mesures qui s’adressent à tout le monde », assure pourtant Jordan Bardella, invoquant un autre exemple touchant directement aux inégalités : « Nous souhaitons également abolir quasiment les droits de succession pour les classes moyennes et les classes populaires. Quand vous avez une résidence principale à hauteur de 300 000 euros, vous devez pouvoir la transmettre sans fiscalité supplémentaire », explique-t-il. Et d’ajouter : « Les droits de succession de 300 000 euros, croyez-moi que ça parle à beaucoup de familles populaires et à beaucoup de familles modestes. »

A LIRE AUSSI : Présidentielle 2022 : Marine Le Pen, une candidate "sociale"… Vraiment ?

Encore perdu : selon le rapport du Conseil d’analyse économique de décembre 2021, le montant médian des successions en France est de… 70 000 euros. Parole aux experts : « 50 % des individus auront hérité de moins de 70 000 euros de patrimoine tout au long de leur vie, et parmi ceux-là, une large fraction n’aura hérité d’aucun patrimoine. En revanche moins de 10 % d’individus hériteront de plus de 500 000 euros de patrimoine au cours de leur vie. Au sein même de ce dernier décile, la concentration est extrême : le top 1 % des héritiers d’une génération recevra en moyenne plus de 4,2 millions d’euros nets de droits et le top 0,1 % environ 13 millions d’euros. L’héritage moyen du top 0,1 % représente donc environ 180 fois l’héritage médian. »

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne