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On a vu "Petite fleur" : le bouquet enchanteur du réalisateur argentin Santiago Mitre
Dans cette comédie où l’humour noir et l’absurde imposent leurs lois, le cinéaste met en scène José et Lucie, un couple mixte (lui est argentin, elle française) qui vient de donner naissance à son premier enfant et de s’installer en province.
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On a vu "Petite fleur" : le bouquet enchanteur du réalisateur argentin Santiago Mitre

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Le talentueux cinéaste argentin met en scène son premier film en France et s’amuse avec les déboires mi-absurdes mi-horrifiques d’un jeune couple installé à Clermont-Ferrand. Cette comédie confirme l’inspiration d’un réalisateur ennemi du conformisme.

La star inattendue du grand écran cette semaine porte le nom de Françoise Lebrun. L’actrice, aux côtés de Jean-Pierre Léaud et de Bernadette Lafont, n’est pas seulement l’héroïne inoubliable de La maman et la putain, de Jean Eustache, ce monument du cinéma français de 1973 qui renaît enfin de ses cendres ce mercredi 8 juin dans les salles obscures après des décennies passées aux oubliettes pour d’obscures raisons de droits.

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Parallèlement à la résurrection de ce diamant noir, l’actrice, 77 ans, joue également dans un film contemporain : Petite fleur, de Santiago Mitre, un réalisateur argentin remarqué ces dernières années avec (entre autres) El Estudiante et El Presidente, une fiction incisive sur le spectacle désastreux de la politique dans son pays natal.

Changement radical de registre et d’horizon géographique avec Petite fleur, une fiction tournée pour l’essentiel en français à Clermont-Ferrand. Dans cette comédie où l’humour noir et l’absurde imposent leurs lois, le cinéaste met en scène José et Lucie, un couple mixte (lui est argentin, elle française) qui vient de donner naissance à son premier enfant et de s’installer en province.

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Pendant que sa compagne (Vimala Pons, charmeuse et insolente) travaille comme une forcenée pour subvenir aux besoins de sa famille, José (Daniel Hendler, paumé et mystérieux), dessinateur de son état, tente de s’occuper de son mioche, un bébé rétif à toute forme de discipline. Quand ce dernier consent à s’assagir, José se hasarde hors de son domicile et découvre son curieux voisinage : la mère Agnès (Françoise Lebrun, donc) qui, pour des raisons obscures, semble surveiller le moindre de ses faits et gestes et, surtout, Jean-Claude (Melvil Poupaud), un dandy vaguement inquiétant qui loge dans une demeure luxueuse et ne jure que par le jazz, en premier lieu Sidney Bechet et son tube inusable : Petite fleur.

Absurdité à tous les étages

Suite à des événements dont il ne faut rien dire, le film abandonne rapidement les voies de la chronique réaliste pour arpenter des contrées bien plus fantaisistes puisque José ne tarde pas à s’apercevoir qu’il est doté d’un curieux pouvoir : celui de tuer sans… donner la mort. En parallèle, le héros, évidemment stupéfait par cette découverte, tente de résister à la morosité qui afflige son couple, épuisé par le laborieux quotidien des jeunes parents et par les réalités accablantes des couches-culottes et des nuits blanches. Un thérapeute aux méthodes déviantes (Sergi Lopez) s’en mêle et sème un peu plus la zizanie dans l’existence de José et de sa compagne.

Pour mettre en scène cette comédie sur le déracinement et sur un couple en crise, Santiago Mitre opte pour l’étrangeté psychologique, les atmosphères troubles et signe un film qui, en toute modestie et drôlerie, s’inscrit dans la tradition du « fantastique familier » fréquentée par les plus grands écrivains argentins comme Jorge Luis Borges ou Julio Cortazar. Sans jamais se prendre au sérieux, le cinéaste, dans Petite fleur, raconte une histoire à la fois triviale et surréaliste. Une histoire qui, cerise sur le gâteau, a le bon goût d’inviter en guest-star un certain… Hervé Vilard, l’inusable interprète de Capri, c’est fini que l’on n’est même pas étonné de croiser dans cet univers si délicieusement décalé. Une fleur parmi d’autres offerte par ce film enivrant.

« Petite fleur », de Santiago Mitre. Sortie le 8 juin.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne