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Dora Moutot et Marie Cau, le 15 octobre 2022 sur le plateau de l’émission “Quelle époque”.
Dora Moutot et Marie Cau, le 15 octobre 2022 sur le plateau de l’émission “Quelle époque”.
© France 2

Plainte contre Dora Moutot : "Le transgenrisme aura-t-il la peau de la liberté d’expression ?"

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Dans une tribune collective, plusieurs personnalités – journalistes, historiens, médecins… – s'insurgent contre la plainte déposée à l'encontre de la journaliste Dora Moutot, après que cette dernière a qualifié Marie Cau, première femme transgenre élue maire de France, d'« homme transféminin ». Un propos « transphobe » selon plusieurs associations et militants. Une menace contre la liberté d'expression, selon les signataires de cette tribune.

« Le Parti vous disait de rejeter le témoignage de vos yeux et de vos oreilles. C'était son commandement ultime et le plus essentiel. » Pourquoi citer 1984 de George Orwell ? Dans un communiqué du mercredi 15 février, les associations Stop Homophobie et Mousse ont annoncé avoir déposé une plainte contre Dora Moutot, journaliste, autrice et créatrice du premier compte Instagram sexoféministe francophone, @tasjoui . La plainte porte sur deux chefs d’accusation : injures publiques en raison de l’identité de genre, et provocation publique à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes en raison de leur identité de genre. Cette plainte fait suite à des propos tenus par Dora Moutot le 15 octobre 2022 sur le plateau de l’émission Quelle époque sur France 2.

Interrogée par la journaliste Léa Salamé qui lui demandait « Marie Cau, c’est une femme pour vous ? », Dora Moutot qualifie la première femme trans maire de France d’« homme transféminin ». Tollé sur le plateau et déchaînement sur Internet : Dora Moutot est qualifiée de « militante anti-trans », « transphobe » et « violente » et est jetée en pâture à la vindicte populaire. Pourtant, dans ses propos, aucune haine, aucune volonté d’abîmer l’autre. Elle décrit ce qu’elle voit. Elle parle de sa perception, de sa réalité. Elle le répète à plusieurs reprises : pour elle, une femme est une femelle. Face à plusieurs hommes qui l’invectivent et un public qui la hue (scènes coupées au montage), elle déroule ses arguments calmement. Elle s’inquiète des conséquences concrètes de l’idéologie transgenre pour les femmes, pour les enfants, pour la société entière. Elle n’est pas venue pour stigmatiser les personnes trans, elle est venue défendre les femmes.

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On peut ne pas être d’accord avec elle. On peut s’opposer sur le front des idées, mais tenter de la museler en portant plainte : est-ce bien sérieux ? Car qu’est-ce que débattre si ce n'est échanger autour de désaccords ? Le moindre désaccord doit-il se terminer en procès pour x-phobie ? Doit-on rappeler une fois de plus les mots attribués à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire » ? Avec cette plainte, pour la première fois en France, et après trois années de harcèlement envers Dora Moutot des militants transidentitaires cherchent à mettre en pratique leur mantra jusqu’ici circonscrit aux réseaux sociaux : « La transphobie n’est pas une opinion, c’est un délit ». Reste à prouver que les propos de Dora Moutot relèvent de la transphobie.

Transphobie ?

Qu’est-ce que la transphobie ? Quelles limites la loi pose-t-elle à la liberté d’expression en matière d’« identité de genre » ? A-t-on encore le droit de critiquer une idéologie ? Et une idéologie qui nie des faits biologiques et matériels ? Est-ce que le fait d’affirmer que les femmes sont des femelles relève de la transphobie ? Peut-on encore dire que seules les femmes ont leurs règles ? Que l’endométriose et l’accès à l’avortement sont des problèmes de femmes ? Peut-on s'inquiéter de la présence d’individus pourvus de pénis dans des prisons pour femmes ? Peut-on s’inquiéter lorsque des individus mâles remportent des compétitions sportives féminines ? Peut-on s’inquiéter des dommages irréversibles des transitions hormonales et chirurgicales sur les enfants ainsi que sur des personnes fragiles ? Quel est l’état de la liberté d’expression en France autour de ce sujet et de bien d’autres ?

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Un procès va donc peut-être enfin avoir lieu, pour déterminer s’il est toujours possible en France de se référer à la science/ la biologie pour distinguer les femmes des hommes, ou si dire que les femmes n’ont pas et n’ont jamais eu de pénis relève de propos haineux. Le procès pour le droit au blasphème, 2.0.

Liberté d’expression

En Ontario, au Canada, un lycéen, Josh Alexander, a récemment été exclu de son établissement scolaire pour avoir tenu des propos allant à l’encontre de l’idéologie transgenre dans le cadre d’un débat en classe . Voici ses paroles : « J’ai dit qu’il n’y avait que deux sexes, que vous naissiez soit mâle, soit femelle, et cela m’a causé des problèmes. J’ai ensuite ajouté que le genre ne peut pas contrôler la biologie. » Ce lundi 6 février 2023, alors qu’il retournait en classe, il a été arrêté par la police prévenue par le personnel administratif de l’école.

Cet exemple représente l’état actuel de la liberté d’expression au Canada. En France, les psychologues Caroline Eliacheff et Céline Masson (autrices du livre La fabrique de l’enfant transgenre), Marguerite Stern (militante féministe), Sophie Robert (réalisatrice du documentaire Mauvais genre), et d’autres, sont perpétuellement harcelées, menacées, diffamées, injuriées, violentées physiquement. Parce qu’elles dénoncent les dérives du transgenrisme. Seront-elles bientôt arrêtées par la police elles aussi ? Voulons-nous que la France prenne le même chemin que le monde anglo-saxon ? Dans quelle société voulons-nous vivre ?

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Afin d’être en mesure de payer ses frais de justice, Dora Moutot a lancé une cagnotte.

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Signataires :

Isabelle Alonso, autrice

Pauline Arrighi, journaliste et essayiste

Nicole Athéa, gynécologue, endocrinologue, autrice de Choisir son sexe, un nouveau désir (Hermann)

Sophie Audugé, déléguée générale de SOS Éducation

Eugénie Bastié, journaliste et essayiste

Julie Bindel, journaliste et essayiste féministe anglaise

Marie-Jo Bonnet, historienne, féministe, cofondatrice des Gouines Rouges

Centre Évolutif Lilith Marseille – CEL, association lesbienne

Collectif Féminicides par compagnons ou ex

Brice Couturier, journaliste et essayiste

Anissia Docaigne-Makhrova, militante féministe à l’Amazone, juriste

Marie-Estelle Dupont, psychologue clinicienne

Zineb El Rhazoui, humaniste, défenseur de la liberté d’expression, ex-Charlie Hebdo

Claude Habib, professeur émérite de littérature et autrice de La question trans (Gallimard)

Sophia Hocini, autrice et responsable associative

Claire Koç, journaliste et essayiste

Françoise Laborde, journaliste, écrivaine, ex-membre du HCE (Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes)

Bérénice Levet, philosophe et essayiste

Élisabeth Lévy, journaliste, essayiste et directrice de la rédaction de Causeur

L’être trans, collectif de transsexuelles en rupture des idéaux queer

Fadila Maaroufi, directrice de l'Observatoire des Fondamentalismes à Bruxelles et cofondatrice du café laïque de Bruxelles

Céline Masson, professeur des universités, codirectrice de l’Observatoire La Petite Sirène

Vincent McDoom, acteur et personnalité télévisuelle

Amélie Menu, journaliste, réalisatrice du documentaire Trans : la confusion des genres

Noues Femmes – WDI France, Déclaration des Droits des Femmes fondés sur le sexe

Patrick Pelloux, médecin urgentiste, auteur, ex-Charlie Hebdo

Céline Pina, journaliste

Mélissa Plaza, footballeuse internationale et doctoresse en psychologie sociale

Michaël Prazan, écrivain et réalisateur

Rebelles du genre, podcast critique du genre

Sophie Robert, réalisatrice de documentaires sur la santé mentale et du documentaire Mauvais genre

Marguerite Stern, ex-Femen, créatrice des collages contre les féminicides

Kathleen Stock, philosophe britannique

Michèle Vianès, présidente de l’association Regards de femmes

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