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Le parcours politique d’Emmanuel Macron fait rêver Yaïr Lapid. Ils se sont rencontrés en 2014 alors qu’ils étaient sur la même ligne de départ.
Le parcours politique d’Emmanuel Macron fait rêver Yaïr Lapid. Ils se sont rencontrés en 2014 alors qu’ils étaient sur la même ligne de départ.
AFP

Cyberespionnage : après Pegasus, Lapid parviendra-t-il à se rabibocher avec Macron ?

France-Israël

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Emmanuel Macron et Yaïr Lapid, le ministre israélien des Affaires étrangères en visite aujourd’hui à l’Élysée, se connaissent depuis quelques années. Mais cette belle amitié entre « centristes » a subi un sérieux accroc en juillet dernier avec l'affaire Pegasus et les révélations sur l’écoute du portable du président français grâce à un logiciel-espion israélien.

Officiellement, la relance des négociations sur un retour des États-Unis dans l’accord sur le nucléaire iranien doit être au menu de la visite de Yaïr Lapid à Paris, ce 30 novembre. Le chef de la diplomatie israélienne espère que la France adoptera une position plus dure contre Téhéran et surtout moins méandreuse que celle de Joe Biden.

Au-delà de ces discussions, il s’agit aussi de retrouvailles. Le parcours politique d’Emmanuel Macron fait rêver Yaïr Lapid. Ils se sont rencontrés en 2014 alors qu’ils étaient sur la même ligne de départ. Tous deux étaient alors à la tête du ministère de l’Économie de leur pays, l’un de François Hollande et l’autre de Benyamin Netanyahou. Une véritable amitié politique s’est nouée à ce moment-là.

Au point que Yaïr Lapid, ancien journaliste de 57 ans, chef du parti centriste Yesh Atid (« Il y a un avenir », en hébreu) a publié un fervent appel à voter pour Emmanuel Macron contre Marine Le Pen en 2017. « Bien que ce ne soit pas dans mes habitudes de m’immiscer dans les élections d’autres pays, je ferai cette fois une exception. Il s’agit d’un affrontement entre le bon sens et un dangereux populisme », avait alors proclamé Yaïr Lapid, alors dans l’opposition. Selon lui, il n’y avait à l’époque pas de choix à avoir entre « un véritable ami du peuple juif et celle qui a nié la responsabilité de la France dans la Shoah ».

Inflexion diplomatique

Deux ans plus tard, en 2019, Emmanuel Macron lui rend la pareille. Quatre jours avant les élections législatives, le président le reçoit à l’Élysée pour une visite-éclair et même qualifiée de « privée ». Mais le message de soutien était on ne peut plus significatif. Au point que le député des Français de l’étranger en Israël, Meyer Habib (UDI), partisan inconditionnel de Benyamin Netanyahou, s’était déclaré « perturbé » par cette « ingérence » de Macron dans des législatives israéliennes.

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Si les accords de coalition sont respectés , Yaïr Lapid devrait succéder en 2023 à Naftali Bennett au poste de Premier ministre et suivre ainsi son irrésistible ascension vers le pouvoir sur le modèle de Macron. À condition que le président français soit réélu l’an prochain. Sur le plan des idées, ils sont sur la même longueur d’onde. Yaïr Lapid croit aux vertus du libéralisme en matière économique. Il n’exclut pas la création d’un État palestinien et surtout, il a imposé une sérieuse inflexion de la diplomatie israélienne vis-à-vis de l’Europe. Alors que Benyamin Netanyahou misait sur des pays « illibéraux » comme la Pologne et la Hongrie contre la « Vieille Europe » et Bruxelles considérées comme pro-palestiniens, Yaïr Lapid milite pour un rapprochement avec la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Coup de froid

La lune de miel Macron-Lapid semblait donc solide. Mais les révélations en juillet par un consortium de journalistes sur la mise sur écoute du portable d’Emmanuel Macron et de plusieurs ministres français ont refroidi les ardeurs. Pour effectuer ce piratage, des responsables des services de renseignements marocains ont très probablement utilisé Pegasus, un logiciel espion d'une firme israélienne à la réputation sulfureuse : NSO. Emmanuel Macron a dénoncé vertement cette pratique et ordonné un quasi-gel des échanges entre services de renseignements français et israéliens.

Après ce coup de sang du président français, les autorités israéliennes ont annoncé qu’elles interdisaient désormais aux sociétés de cybersécurité de mettre sur écoute des numéros de téléphone français tout en s’engageant à donner un sérieux tour de vis aux contrôles des exportations de logiciels « offensifs ». Yaïr Lapid espère ainsi avoir clos cet « incident » de parcours avant de revoir son ami. Cela suffira-t-il à réchauffer les relations ? Réponse dans les prochains jours.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne