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Crise énergétique : en 1973, Pompidou aussi appelait les Français à se serrer la ceinture…
Georges Pompidou en 1974.
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Crise énergétique : en 1973, Pompidou aussi appelait les Français à se serrer la ceinture…

C'est déjà arrivé

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Alors qu'Emmanuel Macron a annoncé son intention de négocier un « changement des prix de l'électricité » en l'Europe et appelé les Français à la « sobriété » énergétique, ses propos ne sont pas sans rappeler ceux du défunt président de la République après le premier choc pétrolier de 1973.

« Nous faisons appel avant tout à cette vertu traditionnelle, paraît-il, du peuple français qui est l'esprit d'économie. » La formulation de Georges Pompidou est quelque peu surannée mais elle n'aurait pas dissoné dans la bouche d'Emmanuel Macron. Tandis que la France et l'Europe font face à une crise sans précédent des prix de l'électricité et du gaz, du fait entre autres de la guerre en Ukraine, le président de la République a annoncé sa volonté de négocier, « entre Européens, un changement du prix de l'électricité » et appelé les Français à la « sobriété » énergétique.

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Une pénurie comparable à celle produite par le choc pétrolier de 1973. En 1971, les États-Unis ont atteint leur pic de production pétrolière, menant aux premières situations de manque. La même année, la fin des accords de Bretton Woods, qui permettait de convertir le dollar en or, fait baisser le cours de la monnaie américaine.

Choc pétrolier de 1973

Or, la valeur du pétrole, inféodée à celle du billet vert, baisse par conséquent elle aussi, de sorte que les pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) ont dû réajuster le prix de cette énergie fossile en l'alignant sur celui de l'or. Une opération qui a maintenu, jusqu'en 1973-1974, un tarif pétrolier très raisonnable comparé à celui d'autres matières premières qui s'envolait.

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Cette différence s'en ressentira d'autant plus rudement lors de la brusque augmentation des prix, en réaction au soutien américain à Israël durant la guerre du Kippour. Le 6 octobre 1973, en pleines festivités de Yom Kippour, une coalition arabe, menée par l'Égypte et la Syrie, attaque le pays hébreu. Mais le rapide soutien logistique des Américains permet aux Israéliens de dérouter leurs assaillants, lesquels, dont certains sont membres de l'Opep, décident d'une riposte économique.

Les 16 et 17 octobre 1973, les pays arabes de l'Opep, réunis au Koweït, font grimper unilatéralement le prix du baril, qui augmente de 70 %, et fixent une baisse mensuelle de 5 % sur la production de pétrole tant que les Occidentaux joueront les trouble-fêtes dans le conflit. Un embargo est même décidé sur les livraisons à destination des États-Unis et des Pays-Bas. Il sera levé cinq mois après le début des hostilités.

« Esprit d'économie »

La situation économico-énergétique est critique. Georges Pompidou, alors président de la République française, participe à un sommet en urgence mi-décembre 1973 à Copenhague. C'est à son retour qu'il demande aux Français de freiner leur consommation pétrolière. « Il est certain que, si la pénurie de pétrole devait se prolonger pendant des mois et des années, tous les pays finiraient par en sentir les conséquences directes et indirectes​​​​ », prévient-il depuis son bureau de l'Élysée où il est interrogé par le journaliste de l'ORTF, Jean-Marie Cavada.

Si, au moment où Pompidou fait cette annonce, il tente de rassurer en affirmant qu'« à l'heure à actuelle » aucune « mesure grave » n'est à prendre, il précise avoir néanmoins pris certaines dispositions en prévision des manques à venir : « Nous avons nommé un délégué général à l'énergie, nous avons pris un certain nombre de textes qui nous donnent les moyens d'intervenir. »

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En appelant à ce fameux « esprit d'économie » – « Économisons l'essence, économisons l'électricité, économisons le chauffage », énumérait-il –, comportement qui, selon lui, « suffira à diminuer notre consommation et, par-là même, à parer à quelques difficultés d'importation et aussi à atténuer les effets sur la hausse des prix et sur notre commerce extérieur », le dauphin de Charles de Gaulle concède : « Il n'en est pas moins vrai que nous nous trouvons à l'aune d'une année difficile. »

Développement du nucléaire

Un accent que l'on retrouve dans les termes de son lointain successeur. « L’été et le début de l’automne seront très durs », déclarait hier Emmanuel Macron à propos de la guerre en Ukraine et des conséquences sur notre approvisionnement énergétique, demandant également les Français à faire preuve de « sobriété » dans leur consommation de gaz et d'électricité.

En 1974, la situation d'embargo et l'augmentation vertigineuse des prix n'ont toutefois pas eu l'effet escompté par les pays de l'Opep. En effet, les pays occidentaux ont profité de cette occasion pour rendre leur production énergétique moins dépendante du pétrole. C'est ainsi que la France a lancé un vaste programme de construction de centrales nucléaires, remplaçant en partie l'usage du fioul par l'électricité quand l'Italie ou le Royaume-Uni s'en remettaient, eux, à l'usage du gaz.

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De son côté, l'Allemagne misait sur le mix énergétique charbon-gaz-nucléaire, et les Pays-Bas, visés au premier chef en raison de leur soutien à Israël par les sanctions des pays arabes impliqués dans la guerre du Kippour, en profitaient pour mettre en place une politique de transport favorable à la bicyclette. Finalement, le conflit ukrainien ne serait-il pas l'occasion de nous réinventer, une nouvelle fois, en matière énergétique ?

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne