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Si Patrick Pouyanné s'est augmenté de 52%, il refuse de mieux payer ses salariés.
Si Patrick Pouyanné s'est augmenté de 52%, il refuse de mieux payer ses salariés.
KARIM JAAFAR / AFP

Pénuries de carburant : malgré ses profits faramineux, Total rechigne à augmenter ses salariés

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Alors qu'une station-service sur dix manque de carburant, en raison d'une grève dans les raffineries, TotalEnergies refuse pour le moment d'augmenter les salaires de ses employés. Le P.-D.G. n'a pourtant pas hésité à s'augmenter lui-même de 52 % et de verser des dividendes exceptionnels à ses actionnaires. Même le gouvernement tique.

Patrick Pouyanné, le patron de TotalEnergies, est prié de mieux payer ses salariés. Alors que 15 % des stations-service françaises manquent de carburant, principalement en raison d'une grève dans ses raffineries, le gouvernement lui demande clairement de mettre la main au portefeuille.

« J'appelle les entreprises concernées, qui, pour la plupart, ont quand même de bons résultats, à considérer aussi les demandes d'augmentation de salaire », a déclaré Olivia Grégoire, ministre déléguée aux Petites et moyennes entreprises, sur franceinfo, ce vendredi 7 octobre.

Compenser de l'inflation

Depuis une semaine, la CGT a entamé un mouvement de grève, très suivi par les salariés des raffineries. Le syndicat réclame une augmentation des salaires de 10 %. Une partie pour compenser l'inflation, évaluée cette année autour de 6 % par l'Insee. L'autre est censée permettre aux employés de percevoir une partie des bénéfices colossaux réalisés cette année par le groupe pétrolier.

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« Nous avons signé un accord sur les salaires en janvier dernier, qui accordait 1 000 euros de revenus en plus par an pour les ouvriers, employés et agents de maîtrise. Cet accord devait compenser l'année 2021, qui avait été une année blanche, sans augmentation de salaires. Nous demandons désormais un rattrapage pour l'année 2022, l'embauche des salariés en contrats précaires sur les sites et un plan d'investissement pour sauver l'outil industriel », explique Eric Sellini, coordinateur de la CGT pour le groupe Total, interrogé par Marianne. Mais pour l'heure, Patrick Pouyanné et le groupe Total restent sourds à ces revendications, qui semblent pourtant appuyées par le gouvernement.

52 % d'augmentation pour le P.-D.G.

Pourtant, sur les six premiers mois de l'année 2022, le groupe a réalisé près de 19 milliards d'euros de bénéfice, trois fois plus que l'année dernière, qui était déjà une année de record. Cette manne peut être considérée comme un « superprofit », puisqu'elle est principalement liée à l'explosion du cours du pétrole et non pas directement aux investissements du groupe français.

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Patrick Pouyanné, lui, n'a pas hésité à augmenter sa propre rémunération de 52 % l'année dernière, la portant à 5,9 millions d'euros annuels. Surtout, le groupe pétrolier se montre très généreux envers ses actionnaires. La semaine dernière, ceux-ci ont reçu un versement exceptionnel de 2,6 milliards d'euros, qui s'ajoutera aux dividendes réguliers versés à la fin de l'année. Un geste très mal perçu par les salariés en grève, qui craignent de ne recevoir que les miettes des très bons résultats de leur entreprise.

La grève pourrait durer

En attendant, la grève se poursuit. Elle pourrait durer selon les responsables syndicaux, qui attendent un retour de leur direction. Dans la plus grande raffinerie de France, à Gonfreville-l’Orcher (Seine-Maritime), « aucun produit fabriqué n'est sorti de la raffinerie depuis dix jours et le pipeline qui alimente Paris est également à l’arrêt », expliquait à l'AFP Pierre-Yves Hauguel, le délégué syndical CGT.

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Cette tension entraîne de grandes difficultés dans les stations-service, déjà très fréquentées en raison de la ristourne sur le carburant accordée par le gouvernement et par Total. La situation est particulièrement tendue dans le Nord et le Pas-de-Calais, où plus de 30 % des stations sont en pénurie de gasoil. La balle est dans le camp de Patrick Pouyanné.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne