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Désormais il s’agit de revenir sur la durée d’indemnisation des chômeurs de plus 55 ans pour l’aligner sur le régime des autres salariés, les indemnisant au maximum de 18 mois au lieu des 27 mois habituels. Bruno Lemaire, au prix d’un raisonnement alambiqué, pense que le demandeur d’emploi crée sa propre offre.
Désormais il s’agit de revenir sur la durée d’indemnisation des chômeurs de plus 55 ans pour l’aligner sur le régime des autres salariés, les indemnisant au maximum de 18 mois au lieu des 27 mois habituels. Bruno Lemaire, au prix d’un raisonnement alambiqué, pense que le demandeur d’emploi crée sa propre offre.
AFP

Assurance chômage : "On ne vise plus le plein-emploi, on fait des économies sur la sphère sociale"

Tribune

Par Frédéric Farah

Publié le

Les méthodes Macron commencent à montrer leurs limites : réduire la fiscalité du capital et flexibiliser le droit du travail ne stimulent pas la croissance. Sous la surveillance des marchés financiers et de la Commission européenne, l’exécutif n’a d’autres choix que d’accepter leurs injonctions antisociales. Quitte à réduire les droits des demandeurs d’emploi.

Le gouvernement voit l’horizon du plein-emploi s’éloigner . La croissance reste poussive. L’inflation, même en recul, est loin de faire ses adieux, le chômage repart à la hausse et les effets de la politique monétaire restrictive de la Banque centrale européenne (BCE) commencent à se faire sentir. D’autant plus que le gouvernement veut donner des gages aux marchés financiers, désormais substituts officiels de l’opinion publique, et aux autorités européennes pour les assurer de la soutenabilité de la dette française.

Vouloir le plein-emploi alors que l’on ne dispose plus du levier monétaire et que son budget est sous surveillance relève de la pleine imposture. La création d’emplois dépend avant toute chose d’un certain niveau de croissance.

Fiscalité favorable au capital

Le gouvernement croyait pouvoir se passer d’elle par son cocktail de mesures structurelles bien connues : accroître la flexibilité du marché du travail, intensifier le contrôle des chômeurs, ou autres allocataires des minima sociaux, restreindre l’accès à l’assurance chômage , réduire le pouvoir de négociation des travailleurs, augmenter les taux d’activité et particulièrement des jeunes et des seniors, favoriser l’apprentissage.

À ces dispositifs qui faisaient porter l’ajustement sur les travailleurs et les chômeurs, s’ajoutait une fiscalité favorable au capital depuis 2017. Les revenus des plus aisés sont les grands gagnants du quinquennat et demi du président Macron. Sans compter que les entreprises, plus encore que les ménages, ont été protégées du choc inflationniste et que les plus grandes d’entre elles bénéficient de confortables marges.

Malheureusement, ces enchaînements qui devaient être vertueux montrent leurs limites. La fiscalité favorable au capital n’a pas créé l’impact attendu en matière d’investissement, comme l’ont montré des rapports de France Stratégie. Quant aux réformes structurelles qui donneraient de beaux résultats : là encore, le débat est ouvert car les mirifiques créations d’emplois laissent un halo du chômage et un sous-emploi suffisamment élevés pour éviter de crier victoire.

Injustice

Mais le gouvernement, quant à lui, est pourtant convaincu de la nécessité de poursuivre sur le même chemin puisque désormais dans sa dernière réforme de l’assurance chômage, la dégressivité des allocations, particulièrement pour les plus de 55 ans , semblerait selon lui la martingale pour ramener les seniors à l’emploi et surtout poursuivre son programme de coupes dans la sphère sociale.

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Une étude récente de l’Unédic du 19 octobre aurait dû tempérer les ardeurs du gouvernement puisque l’enquête menée révèle qu’un quart des cadres de moins de 57 ans soumis à la dégressivité des allocations-chômage à partir du neuvième mois avaient retrouvé un emploi et un tiers avait créé une entreprise. L’Unedic indique que le taux de retour de l’emploi des allocataires soumis à la dégressivité était plus faible que ceux qui n’y étaient pas soumis. Plus encore, deux tiers évoquent des difficultés financières après la réduction de leurs allocations et se voient dans l’obligation d’accepter un emploi moins bien rémunéré et parfois loin de leurs qualifications.

Par ailleurs en acceptant un emploi moins qualifié, le cadre en vient à occuper un poste qui aurait pu être occupé par un chômeur plus en adéquation avec ce niveau de qualification. Sans compter qu’occuper un emploi peu motivant peut avoir un impact sur la productivité. À juste titre, un sentiment d’injustice surgit car les cadres participent encore plus que les autres travailleurs au financement de l’assurance chômage et peinent à comprendre qu’après tant d’années de cotisations de leur part, ils doivent faire l’objet d’un pareil traitement. On comprend ici qu’il s’agit moins de relancer la machine à créer de l’emploi que de faire des économies supplémentaires. Le gouvernement pourra même se targuer d’un libéralisme à visage humain puisqu’il prétend être plus généreux avec les chômeurs moins qualifiés. Au final, il est plus intéressant financièrement de soutenir pareille catégorie de travailleurs car elle est moins coûteuse à indemniser.
Mais le gouvernement n’a cure de ce type d’enquête tout comme les études de France Stratégie sur sa politique fiscale et son impact sur les investissements. Il s’agit de continuer sans reculer d’autant que le Fonds monétaire international (FMI), la Commission européenne, la Banque Centrale européenne réclament la poursuite des réformes structurelles.

Raisonnement alambiqué de Le Maire

Désormais il s’agit de revenir sur la durée d’indemnisation des chômeurs de plus 55 ans pour l’aligner sur le régime des autres salariés, les indemnisant au maximum de 18 mois au lieu des 27 mois habituels. Bruno Lemaire, au prix d’un raisonnement alambiqué, pense que le demandeur d’emploi crée sa propre offre. S’il est disponible et appauvri, l’emploi viendra à lui. Ainsi, le taux d’emploi des seniors augmentera. Aucun mot sur le fait que le recrutement parfois difficile des plus de cinquante ans n’a aucun rapport avec l’attitude des demandeurs de l’emploi.

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Bruno Lemaire voit rouge aussi sur le dernier accord entre partenaires sociaux sur l’assurance chômage car il estime là encore que les mesures relatives à l’indemnisation des chômeurs de plus de 50 ans ne correspondent pas à ses intentions. Toutes ces manœuvres nous disent que désormais, il ne s’agit plus vraiment de viser le plein-emploi mais de faire de la sphère sociale la source principale des économies. Rien de mieux que diffuser la petite musique selon laquelle le modèle social, pourtant largement réformé, serait l’obstacle principal au dynamisme français. Ce gouvernement, de manière encore plus claire que les autres, accepte et anticipe les attentes européennes et celles des marchés financiers.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne