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Débat Zemmour/Pécresse : combat à mort pour l'électorat de droite

Débat Zemmour/Pécresse : combat à mort pour l'électorat de droite

Présidentielle

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Jouant le pugilat face à un Éric Zemmour visiblement déstabilisé, la candidate LR a voulu faire montre de sa meilleure connaissance des dossiers. Quitte à se montrer trop modérée sur certains sujets.

Comme un parfum de débat d’entre-deux tours de la présidentielle de 2017. C’est ce qui flottait dans l’air durant le duel télévisé qui a opposé Valérie Pécresse et Éric Zemmour ce jeudi soir sur TF1 et LCI. Beaucoup d’agressivité. Des joutes bruyantes, que les présentateurs ont eu tout le mal du monde à canaliser. Des désaccords sur la quasi-intégralité des sujets traités. Et une antipathie réciproque entre les deux protagonistes particulièrement palpable.

La raison est simple : embourbés autour des 12 % dans les sondages, le candidat de Reconquête comme celle des Républicains se livrent à un combat à mort pour conquérir le peu d’électorat de droite encore à leur disposition. Et pour – si la tendance actuelle persiste – finir à la troisième place derrière Emmanuel Macron et Marine Le Pen. « Pour Valérie, c’est quitte ou double », résumait une vieille figure de LR une heure avant l’affrontement cathodique.

« Esprit munichois »

Cela s’est vu. D’entrée de jeu, durant les premières vingt minutes de débat, diffusées sur TF1 avant la bascule sur LCI, la présidente de la région Île-de-France a tenté de sonner son adversaire. En parlant au-dessus de lui, en l’interrompant, en haussant le ton, en lui reprochant son « inhumanité » vis-à-vis des réfugiés ukrainiens ou son « esprit munichois », par allusion à ses affinités pour Vladimir Poutine.

Conscientes des talents de bretteur d’Éric Zemmour, les équipes de Valérie Pécresse ont tout misé sur l’un des principaux atouts de la candidate LR : la compétence et la maîtrise des dossiers. Quitte à parfois verser dans la mauvaise foi ou à recracher le bréviaire de la droite modérée des trente dernières années. Comme lorsqu’elle rend hommage à Jean Monnet tout en se déclarant gaulliste, ou lorsqu’elle dit défendre à la fois intégration et assimilation pour les étrangers, alors que ces concepts ont des implications fort différentes.

La riposte de Pécresse

Reste que Valérie Pécresse, affaiblie par son désastreux meeting du Zénith et rendue inaudible par la guerre en Ukraine qui catalyse un réflexe légitimiste en faveur d’Emmanuel Macron, a relevé le défi du corps à corps. Éric Zemmour a eu beau la qualifier dédaigneusement de « technocrate » et de « gestionnaire » (ce qu’elle est foncièrement), la candidate LR a montré qu’elle avait de la ressource. Elle n’a eu de cesse de renvoyer l’ex-journaliste du Figaro à ses oripeaux de « doctrinaire » et d’idéologue étranger aux problèmes « concrets » qui sont le lot quotidien d’un chef de l’État.

Sur l’immigration zéro que défend Zemmour, même s’il s’agit d’un lieu commun, Pécresse a insisté sur les conséquences que cela entraînerait pour le marché du travail français, tout en défendant sa promesse d’instauration de quotas. Simple, mais efficace. Avec, certes, le risque de déplaire à la frange la plus dure de l’électorat de droite – celle à laquelle Zemmour s’adresse lorsqu’il exige de la part des musulmans une pratique « discrète » de l’islam –, mais en adoptant une posture ferme. Or, à la télévision, la forme prime sur le fond. Et contrairement à l’auteur du Suicide français, Pécresse sait qu’elle joue la survie de sa famille politique. D'où l'impression de la voir, à de multiples reprises, dominer son concurrent.

Quolibets et brouhaha

Dans l’ensemble, toutefois, la forme a été peu glorieuse. « Tout est bidon chez vous, Mme Pécresse », « avec Zemmour, tout est foutu », « la girouette, c’est vous », « vous êtes pathétique »… Quand, en 1985, Jacques Chirac qualifiait Laurent Fabius de « roquet » à la télévision, cette seule phrase attirait toute l’attention des médias. Désormais, les quolibets sont devenus la norme. Tout comme le brouhaha. « On n’est pas dans une cour de récréation ! », a tenté d’interrompre la journaliste Ruth Elkrief aux deux tiers de l’émission.

En vain. C’est dans ces eaux-là que les deux concurrents ont commencé à s’envoyer à la figure les polémiques concernant leurs entourages. D’un côté, Éric Zemmour a mis en cause des personnalités comme Patrick Karam, Damien Abad ou Jean-Christophe Lagarde, pour leur supposée connivence avec l’islam politique. De l’autre, Valérie Pécresse a cité les profils les plus sulfureux de la galaxie zemmourienne, comme Tristan Mordrelle ou Philippe Schleiter, neveu du négationniste Robert Faurisson. En pleine guerre en Ukraine, pas sûr que les Français s'y retrouvent.

Du reste, il est fort peu probable que ce débat change la donne de l’élection présidentielle. En revanche, il peut contribuer stopper l’hémorragie dont souffre Valérie Pécresse depuis plus d’un mois. « Elle va finir en string et décoiffée », lui prédisait un poids lourd de son camp la veille. Ce n'est pas le cas. Ce bras de fer peut éventuellement attirer vers elle quelques électeurs initialement tentés par Éric Zemmour, mais qui estiment que son étoile a déjà pâli. Il y a un cas de figure plus vraisemblable, néanmoins : qu'il s'agisse d'un jeu à somme nulle, dans une campagne présidentielle qui l’est tout autant.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne