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"Rogue Heroes" : un fait d’armes de la Seconde Guerre mondiale ambiancé par AC/DC
Le best-seller racontait la création du Special Air Service britannique, unité d’élite aujourd’hui dévolue à la lutte contre le terrorisme. La série adapte ce récit en précisant en préambule de chaque épisode.
BBC Studios

"Rogue Heroes" : un fait d’armes de la Seconde Guerre mondiale ambiancé par AC/DC

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Cette adaptation du best-seller éponyme de Ben Macintyre retrace la création du Special Air Service britannique. Elle marie avec maestria BO rock, virile camaraderie et scènes d’action.

Sonnez bazookas, résonnez mitraillettes. Les Douze salopards et Inglourious Basterds ont eu un enfant et il fait ses nuits sur Canal +. Hormis le récent et décevant Catch-22, le genre de la série télé de Seconde Guerre mondiale est pourtant peu pratiqué de nos jours. Il faut remonter à The Pacific (2010) et Band of Brothers (2001) pour en trouver trace. Et carrément à Papa Schultz (1965-71) et Les Têtes brûlées (1976-78) si on pratique l’archéologie cathodique. C’est d’ailleurs à ce dernier programme que fait le plus penser Rogue Heroes. Si ce n’est que nous ne sommes pas ici avec des pilotes américains basés à Hawaï, mais avec des Britanniques, les deux pieds enfoncés dans les sables du désert libyen. En 2017, l’auteur anglais Ben Macintyre publiait Rogue Heroes (Penguin Books, non traduit). Ce best-seller racontait la création du Special Air Service britannique, unité d’élite aujourd’hui dévolue à la lutte contre le terrorisme. La série adapte ce récit en précisant en préambule de chaque épisode : « Les évènements décrits, qui semblent invraisemblables, sont pour la plupart vrais. » Le rappel n’est pas superflu.

Nous sommes en 1941 et les forces allemandes progressent à toute vitesse en Afrique du Nord. Alexandrie menace de tomber, les Alliés cherchent la parade. Jeune officier écossais, David Stirling a un mantra : « J’aime les plans succincts. » Il convainc l’état-major de le laisser former le Special Air Service (SAS), une petite unité secrète qui s’attaquera – nuitamment et à terre – aux aérodromes d’où décollent les avions de chasse Messerschmitt nazis. Pour cela, il embauche une soixantaine d’éléments, « des rebuts du pensionnat, du gnouf, des hommes qui ne savent pas obéir et qui n’attendent qu’un ordre : foncez, tuez, rentrez, recommencez ». L’épisode 2, consacré à leur recrutement, fait furieusement penser aux Douze salopards de Robert Aldrich et s’avère explosivement jubilatoire. Les quatre segments suivants voient, durant toute l’année 1942, des SAS ivres de rhum et d’amphétamines décimer l’aviation ennemie. Le temps pour le maréchal Montgomery de regrouper ses forces et de repousser définitivement Rommel lors de la seconde bataille d’El-Alamein.

Magnifié par la guitare

Le recrutement, c’est justement ce qui fait la force de cette production BBC. Elle enrôle Steven Knight (Peaky Blinders) à l’écriture et un casting de première main où s’illustrent Connor Swindells (Vigil), Dominic West (The Crown) et Alfie Allen (Theon Greyjoy dans Game of Thrones). Malgré tout leur talent, ils arrivent pourtant à se faire voler la vedette par un quasi-inconnu de 32 ans. Dans la peau de Paddy Mayne (second de David Stirling), Jack O’Connell repatine la figure inusable de « l’Irlandais énervé », méprisant souverainement « l’élite terrienne embourgeoisée » dirigeant la British Army. Sa moustache et son keffieh de travers donnent un nouveau sens au mot « rébellion » … bien aidés par une bande originale audacieuse.

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C’est le second atout maître de Rogue Heroes. Plutôt que confier sa musique à un compositeur attitré, elle la laisse aux mains de troufions nommés Angus Young, Robert Smith ou Joe Strummer. Les attaques de base allemande se font au son des standards des Clash, des Cure, des Damned et surtout d’AC/DC. Pas moins de six morceaux des légendes australiennes sont mis à contribution. Et, il n’y a pas à dire, voir des nazis se faire trucider au son de Thunderstruck, ça envoie. On pense forcément à la maîtrise sonore de Tarantino dans Inglourious Basterds. Recourir à des références si profondément ancrées dans la culture populaire est souvent un aveu d’impuissance pour masquer des carences narratives. Ici, absolument pas. Les guitares ne colmatent rien, elles magnifient. Ce qui est magnifique également, c’est que la BBC a d’ores et déjà commandé une saison 2. Le générique de fin du dernier épisode nous le susurre gentiment en envoyant If you want blood d’AC/DC. Si vous voulez du sang, vous en aurez.

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« Rogue Heroes ». Le jeudi à 21h sur Canal +. Disponible sur myCANAL.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne