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"À nous la victoire" : quand la star du foot Pelé… était aussi acteur
Et Pelé dans tout ça ? Il est l’un des joueurs professionnels appelés à faire l’acteur-footballeur dans le film où il inscrit un magnifique retourné.
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"À nous la victoire" : quand la star du foot Pelé… était aussi acteur

L'humeur de David Desgouilles

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Alors que la star mondiale du football s'est éteinte hier à l'âge de 82 ans, notre chroniqueur David Desgouilles se souvient avec émotion d'un film de John Huston qui restera dans les mémoires pour avoir réussi à y faire jouer Pelé, quatre ans à peine après sa retraite footballistique.

Je suis né en 1971, l’année de la dernière sélection de Pelé pour l’équipe nationale du Brésil. Autant vous dire que je suis trop jeune pour avoir vu le moindre match en direct de celui qui nous a quittés hier soir. D’autant qu’à mon époque, il n’y avait pas YouTube, qui permet aux jeunes passionnés ayant l’âge d’être mes enfants d’avoir davantage vu de matches du Roi que ceux de ma génération. Les géants des jeunes nés au début des années 70, c’était Platini et Maradona. Pelé était déjà une légende, tout comme Cruyff que nous retrouverons avec passion en tant qu’entraîneur du Barça à l’âge où l’aspect tactique prenait davantage d’importance dans les échanges footballistiques avec nos congénères.

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Mais il y a tout de même un match de Pelé que notre génération a pu voir à la télévision. Ce match est cinématographique. Comme moi, on peut supposer que la plupart des adolescents l’ont découvert dans La séquence du spectateur, une émission qui passait le samedi après le journal de 13 h. Trois films y étaient à chaque fois présentés. C’est ainsi que je me suis juré de voir ce film sorti dans les salles en 1981. Ce qui n’a pas manqué d’arriver grâce au petit écran, encore lui, certainement en seconde partie de soirée. Comme me l’a soufflé mon ami David Dupré hier soir, il y avait tout dans ce film : pénalty contre l’équipe favorite à la 88e, arbitrage douteux et adversaire patibulaire. Similitude avec un événement qui a suivi la sortie du film au cinéma mais précédé sa découverte à la télé : Séville évidemment, toute germanophobie mise à part. Ou presque. Nous autres, nés une dizaine d’années avant la demi-finale de 1982 contre les affreux Schumacher et Hrubesch, restons des traumatisés à vie, et ce n’est pas la finale du 18 décembre dernier qui va nous guérir, malgré la victoire de notre génération en 1998 (je ne suis l’aîné de Zidane que de quelques mois).

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Mais revenons au film. La Wehrmacht souhaite organiser un match de propagande au stade de Colombes (là où jouait l’équipe de France avant le Parc des Princes, très longtemps avant qu’on construise le Stade de France), contre une sélection de ses prisonniers. Le Reich contre le Reste du monde. D’abord réticents, les officiers prisonniers acceptent, incités par une future opération de la Résistance française d’organiser une évasion pendant le match, ce qui ferait dégonfler de manière spectaculaire l’opération de propagande des Allemands. Alors que l’opération évasion est en passe de réussir pendant la mi-temps, les joueurs y renoncent et jouent le match jusqu’à la fin. C’est alors que l’arbitre douteux siffle un pénalty inexistant à deux minutes de la fin, que le gardien l’arrête après avoir toisé le tireur et que les spectateurs français, après avoir entonné la Marseillaise, envahissent la pelouse, permettant une évasion des joueurs prisonniers encore plus spectaculaire que prévu, sous les yeux médusés de l’officier allemand organisateur du match. Voir ce film au mitan des années 80, pour un jeune de ma génération, c’est un peu une petite revanche de Séville.

Acteur-footballeur

Et Pelé dans tout ça ? Il est l’un des joueurs professionnels appelés à faire l’acteur-footballeur dans le film où il inscrit un magnifique retourné. Il est même l’atout-maître de l’équipe des prisonniers, fort maltraité par la soldatesque adverse, avec la complicité arbitrale. Il n’est d’ailleurs pas le seul joueur de l’époque à jouer dans le film. On y trouve aussi Bobby Moore et Osvaldo Ardilès, l’Argentin qui jouait les coupes du monde avec le numéro 1 alors qu’il évoluait sur le champ, au nom de l’ordre alphabétique, originalité qui surprendrait la génération d’aujourd’hui, qui choisit son numéro comme un basketteur (Jouer avec le numéro 70, nan mais allô quoi !). Parmi les véritables acteurs, Michael Caine, Max von Sydow, la Québécoise Carole Laure, pour laquelle ma génération ne reste pas insensible, et le Jurassien Jean-François Stévenin, père de Sagamore. J’ai gardé le plus illustre pour la fin : Sylvester Stallone, l’acteur américain de ma génération par excellence, qui avait déjà tourné deux Rocky, et qui fut, aux dires de Laure et Stévenin, particulièrement imbuvable sur le tournage. C’est Stallone le fameux gardien de but imposé à l’entraîneur pour organiser la fameuse évasion du côté des joueurs. C’est lui dont s’entiche le personnage joué par Carole Laure, qui arrête le péno imaginaire contre toute attente après avoir défié le numéro 4 allemand.

Le film réalisé par John Huston restera dans les mémoires pour avoir réussi à y faire jouer le Roi Pelé, quatre ans à peine après sa retraite footballistique. J’espère qu’à l’occasion de sa mort, une chaîne de télévision diffusera À nous la victoire afin que la génération de mes enfants puisse le voir. Il n’est certes pas très UE-friendly mais il y a de quoi passer un bon moment.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne