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Image extraite du film "Poltergeist" (2015).
Image extraite du film "Poltergeist" (2015).
Photo ajoutée le 9 février 2015 |Copyright 2015 Twentieth Century Fox

"Poltergeist" au cœur de la Nièvre : les mystérieux coups de La Machine

Paranormal mais presque (5/5)

Par Lysiane Larbani

Publié le

En novembre 1973, un phénomène étrange bouleverse la commune de La Machine, dans la Nièvre. Un « esprit frappeur », coincé dans un mur entre deux maisons, semble communiquer avec un enfant. Malgré l'enquête de la gendarmerie, les théories restent ouvertes. Dernier épisode de notre série sur les faits divers paranormaux.

« L’esprit frappeur de La Machine ». Ce n'est pas un conte de science-fiction sur la robotisation du monde mais une véritable énigme au cœur de la France. Nous sommes en 1973 et, à La Machine, village minier situé près de Nevers, dans la Nièvre, on a connu des jours plus calmes. La cité doit son drôle de nom à son histoire industrielle : cinq siècles d’exploitation charbonnière. Ses habitants se logent dans des logements ouvriers, des petits immeubles ou des maisons qui accueillent deux, trois ou quatre familles.

C’est dans l’une d’elles que cohabitent la famille U. et la famille P., séparées par une cloison fine. Les U. sont un couple de quadragénaires et les P. ont un enfant de 11 ans, Dominique.

« Boum boum boum »

Le 5 novembre, vers 21 heures, Dominique se met au lit comme à son habitude. Mais impossible de trouver le sommeil. Boum, boum, boum. L’enfant entend des coups sonores depuis le mur qui sépare sa chambre de la maison des voisins. Exaspéré, son père se rend chez eux, mais voilà : madame écosse des petits-pois tandis que monsieur est dans l’entrée… Ils n’ont pas pu taper dans le mur.

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Les jours passent et des coups continuent de résonner chaque fois que Dominique se couche. Le garçon a trouvé un moyen de communiquer avec ce qu’il pense être un esprit. « Pour oui, tape une fois ! », le somme-t-il. Un coup. « Tape deux fois ! » Deux coups. Selon lui, les mystérieux bruits durent parfois jusqu’à une heure du matin et l’empêchent de dormir.

La rumeur d’un esprit frappeur enfle dans le village, et de plus en plus de riverains se pressent le soir pour écouter « le mur qui parle ». Ce dernier répond aux nombreuses questions, toujours par l’intermédiaire de Dominique. Il aurait même donné les numéros gagnants du tiercé.

Enregistrements troublants

La famille finit par prévenir les gendarmes. Le commandant de la brigade de La Machine, Bernard Guilbert, témoigne au micro de Philippe Baudouin pour France Musique , en 2015 : « J’ai entendu moi-même des coups résonner dans la cloison […] On a vérifié, il n’y avait aucun branchement, aucun magnétophone, rien d’anormal, les coups étaient spontanés dans la cloison. » Il développe : « En collant mon oreille sur le mur, je n’ai pas pu distinguer de son précis, c’était une zone diffuse de 20-30 centimètres autour d’un point central, pas sur un point très restreint. »

Et les enregistrements de l’adjudant Guilbert sont troublants. On entend Dominique, aidé par ses parents, poser des questions à l’esprit. On entend même le jeune garçon siffloter sur une musique de Marie Laforêt et le mur battre la mesure…

Plusieurs gendarmes sont mobilisés pour l’enquête, chargés de surveiller les lieux jour et nuit. Canular ? Infiltration d'eau ? Aucune explication rationnelle ne trouve confirmation. Bernard Guilbert interroge à son tour le mur : « Je l’ai fait compter, je lui ai fait dire s’il était là, je lui ai fait dire combien j’avais d’enfants, le nombre de balles que j’avais dans le chargeur de mon pistolet, combien il y a de gendarmes à la brigade… », explique-t-il un jour aux caméras de télévision.

« Un cas authentique de maison hantée »

Au moment des faits, les journalistes se pressent à La Machine, et l’affaire prend de l’ampleur : « La presse et les commentateurs ont interprété ces événements comme étant dus à un "esprit enfermé dans un mur", sans doute en raison de la similitude de ces coups frappés avec ceux de la maison des célèbres Sœurs Fox, qui avaient lancé la vague de spiritisme aux États-Unis à la fin du XIXe siècle », retrace Pascale Catala, chercheuse en parapsychologie et membre de l'Institut métapsychique international (IMI). « Mais ce n'est qu'une interprétation parmi d'autres, et finalement la seule chose dont on soit sûr est que des coups ont été frappés dans le mur sans que l'on trouve d'explication physique. »

« Le cas de La Machine rassemble des éléments que l'on trouve fréquemment dans les poltergeists », précise-t-elle. « Des phénomènes auditifs sans cause évidente, un adolescent sans doute un peu tourmenté, des témoins qui se soupçonnent les uns les autres, les voisins et la presse qui accourent, allant jusqu'à déclencher une enquête de gendarmerie… Ce qui fait la spécificité de ce cas est que le poltergeist est "responsif", ce qui est plus rare : les coups répondent à des questions, par un code. »

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Envoyé sur place par FR3 comme expert du paranormal, le mathématicien Yves Lignon, fervent défenseur de la parapsychologie, explique au micro de Sud Radio, en 2011 : « Dans cette affaire, on peut dire qu’on a eu affaire à un cas authentique de maison hantée. […] C’est grâce à l’enquête de gendarmerie qu’on peut dire de façon sûre et certaine qu’il s’est produit un phénomène authentiquement parapsychologique. » Selon lui, le mur parleur ne répondrait à aucune théorie scientifique rationnelle.

« Pour Yves Lignon, les phénomènes sont authentiquement paranormaux, c’est-à-dire que l'on ne peut pas leur trouver d'explication triviale et qu'ils ne sont pas dus à un canular ou à une fraude », abonde Pascale Catala. « L’enquête approfondie de la gendarmerie a été faite sérieusement et j'aurais tendance également à pencher vers la même hypothèse. Maintenant, je n'ai pas enquêté sur ces événements moi-même et ne peux en dire plus. »

Finalement, en décembre, les évènements prennent un nouveau tournant, relate Yves Lignon : « Le temps que le rapport de gendarmerie parte vers la hiérarchie, des gens appartenant à une secte ont débarqué et ont commencé à dire que Dominique était une espèce de messie… Il a fait une dépression nerveuse. » Il est envoyé dans un « centre » pendant trois semaines et à son retour, « le mur ne parlait plus, et le mur n’a plus jamais parlé ».

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Quelles hypothèses rationnelles ?

La journaliste scientifique Marine Benoit, s’est intéressée à l’affaire et émet une hypothèse plus rationnelle dans son ouvrage In Tenebris (Payot & Rivages, 2021). Celle d’un « phénomène physique à côté duquel seraient passés les gendarmes ». « S’ils assurent avoir vérifié que les bruits n’étaient pas dus à un problème de plomberie ou d’écho, il ne faut pas oublier ce qu’est La Machine : un bassin minier. […] On peut donc imaginer que des coups donnés à un endroit dans le sous-sol, par un mineur par exemple, pourraient se réverbérer dans la chambre de Dominique. »

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Réponse plus que dubitative de Pascale Catala : « Pour moi, cette hypothèse n'a rien de rationnel, c'est un argument de type "sceptique" tout aussi invérifiable qu'incapable de rendre compte en détail des phénomènes précis observés. Il me semblerait vraiment improbable que des mineurs soient secrètement encore en activité à ce moment à cet endroit. Ou qu’il y ait des cavités souterraines qui ne seraient pas connues des locaux, ou que des mineurs se soient amusés pendant plusieurs semaines à répondre à des questions. D'autre part, cela n'expliquerait pas comment les coups pourraient donner des réponses exactes inconnues de la plupart des participants, et battre la mesure à la suite d'une petite chanson fredonnée… »

Autre piste évoquée par Marine Benoit : le lien fusionnel entre Dominique et sa mère. « Sur place, Lignon va en effet réaliser un travail d’écoute qui mettra en lumière de façon inédite la psychologie des acteurs de l’affaire. Selon lui, Dominique est un jeune garçon surprotégé et écrasé par la figure maternelle. L’adolescent aurait ainsi exprimé sa révolte non pas par le langage mais par le déploiement d’une énergie sauvage dans cette cloison. » Déploiement paranormal… ou déploiement tout à fait rationnel mais très bien mis en scène ? Le mystère de la Machine demeure.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne