Deux ans après sa dernière tournée au Théâtre des Champs-Élysées, le ballet de l'Opéra national d'Ukraine revient à Paris pour présenter un spectacle pour les fêtes de fin d'année : « la Reine des neiges », d'après un conte d'Hans Christian Andersen, un ballet-féerie dont la jeune héroïne, frappée par une maléfique et glaçante souveraine, triomphe du mal et retrouve son bonheur.
Voici exactement deux ans, le Ballet de l’Opéra national d’Ukraine était venu en tournée au Théâtre des Champs-Élysées, à Paris, dix mois après le déclenchement de l’agression russe. À l’époque, il avait été prévu que la troupe se produise à Paris avec Casse-Noisette, l’ultra-populaire ballet de Piotr Ilitch Tchaïkovski, pour les fêtes de fin d’année. Mais en raison des circonstances, la direction de la compagnie, comme nombre d’institutions ukrainiennes en temps de guerre, avait préféré éviter l’œuvre d’un compositeur russe et opté pour Giselle, le célèbre ballet romantique français de Jules Perrot et Jean Coralli revu par Marius Petipa.
Deux ans plus tard, la compagnie, qui continue à se produire à l’Opéra de Kiev depuis le début de la guerre, revient à Paris avec La Reine des neiges, un ballet-féerie en deux actes d’Aniko Rekhiashvili et Oleksiy Baklan, inspiré du conte du même nom d’Hans Christian Andersen. L’œuvre, créée à Kiev voici six ans, et à l’origine accompagnée de musiques de compositeurs russes, a été entièrement revue : elle repose désormais sur des pages d'Edvard Grieg, Jules Massenet, Jacques Offenbach, Johann Strauss et Hector Berlioz.
Une partition finement interprétée par l’orchestre Prométhée, dirigé par le chef ukrainien Sergii Golubnychyi, et une chorégraphie incarnée avec passion et virtuosité par une compagnie qui s’est renouvelée et rajeunie depuis trois ans – une partie de ses effectifs s’est réfugiée à l’étranger et plusieurs danseurs, engagés volontaires dans l’armée, sont morts au combat.
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L’histoire de la jeune Gerda (magnifiquement interprétée par Tetiana Lozova ou Kateryna Kurchenko) et de son prince charmant Kaï (incarné par les sémillants Yaroslav Tkachuk ou Oleksandr Skulkin) s’ouvre avec des patineurs aux costumes colorés s’élançant sur une valse de Strauss. Un joyeux décor de maisonnettes austro-hongroises s'assombrit bientôt sur des pages plus dramatiques, lorsqu’apparaissent des trolls maléfiques.
Ils sèment le chaos et le malheur dans cette belle harmonie, manipulant les patineurs, qui tombent et se disputent. La Reine des neiges (interprétée par l’impériale danseuse étoile Irina Borysova) surgit alors d’un miroir maléfique qu’elle pulvérise. Elle lance un éclat qui entre dans l’œil de Kaï pour lui durcir le cœur et l’entraîner loin de Gerda.
La suite des tableaux raconte la quête épique de la jeune fille, prête à soulever des montagnes pour retrouver son amour perdu. L'épisode le plus frappant en est sans nul doute sa rencontre avec une troupe de brigands, interprétés par une douzaine de danseurs de la troupe du ballet Virsky, virtuose des danses folkloriques ukrainiennes.
Longues moustaches, crânes rasés et pantalons bouffants à la Tarass Boulba : ces bandits, qui se veulent effrayants, bondissent et virevoltent dans un hopak décoiffant, sans pour autant impressionner notre héroïne. Celle-ci, fort heureusement, en dépit des nombreux écueils rencontrés, parviendra en fin de compte à briser le mauvais sort qui envoûtait Kaï, permettant le happy end qui sied aux contes de fées.
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Un spectacle plein de poésie, de féerie et de bonne humeur, pour toute la famille, en ces fêtes de fin d'année. Et une troupe d'une impressionnante qualité, technique et artistique, qui, faut-il le rappeler, vient d'un pays en guerre, et qu'il est souhaitable de soutenir.
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Jusqu’au 5 janvier au théâtre des Champs-Élysées.