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Anne Hidalgo et Nasser al-Khelaïfi au Parc des Princes en 2015
Anne Hidalgo et Nasser al-Khelaïfi au Parc des Princes en 2015
Franck FIFE / AFP

Vente du Parc des Princes : la ville de Paris est-elle condamnée à manger dans la main du Qatar ?

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Le Paris Saint-Germain (PSG) fait pression sur la mairie de Paris pour acheter une bouchée de pain le Parc des Princes, le stade du club de football depuis 1974. Très réticente, la mairie pourrait malgré tout être contrainte de céder face aux menaces des dirigeants qataris d'aller jouer ailleurs.

Quarante millions d'euros. Emmanuel Grégoire, premier adjoint au maire de Paris, s'est étranglé en prenant connaissance du prix proposé par le Paris Saint-Germain (PSG) pour acheter le Parc des Princes. « C'est moins cher que Paredes », a grincé l'élu auprès du journal le Parisien , en faisant référence au prix payé par le PSG pour s'offrir un joueur argentin, Leandro Paredes. Pour la mairie, le stade du club depuis 1974 vaudrait au moins 350 millions d'euros. Le service des domaines – une institution chargée de gérer le patrimoine public – l'évalue à 200 millions d'euros, selon les informations de l'Équipe. Autant dire que l'offre du PSG fait grincer des dents. D’autant que le stade mythique du sport français n'est pas à vendre. La mairie de Paris s'est toujours refusée à céder son stade malgré les sollicitations répétées des propriétaires qataris depuis leur arrivée aux manettes du PSG en 2011. Ceux-ci veulent absolument l'acquérir pour l'agrandir de 20 000 places – un projet à 500 millions d'euros – et augmenter ainsi leurs revenus.

« Nous, ce n'est pas notre inclination première de leur vendre le Parc des princes. C'est le patrimoine de la ville, des Parisiens », expliquait récemment Emmanuel Grégoire sur Sud Radio. Les Qataris font désormais pression, en menaçant d'aller jouer ailleurs, au mépris des supporters historiques très attachés au « Parc ». Dans l'idée du club, le PSG pourrait se délocaliser au Stade de France (Seine-Saint-Denis), voire dans une enceinte qu'il construirait lui-même. Dans ce cas, la ville de Paris risquerait de devoir entretenir un stade inoccupé, qui ne vaudrait plus grand-chose. « Le conseil municipal pense que nous plaisantons, mais ce n'est pas le cas et nous sommes très sérieux quant aux autres options », taclait Nasser al-Khelaïfi, le président du PSG, dans le journal espagnol Marca, en marge de la Coupe du monde organisée dans son pays.

Les dettes de la mairie

« Il y a une forme de pression qui n'est pas acceptable », estime Emmanuel Grégoire auprès du Parisien, tout en confiant ne pas « [avoir] le choix » d'examiner l'offre d'achat du club détenu par les Qataris. La mairie pourrait donc se résoudre à se séparer de l'un des symboles de la ville. D'autant qu'elle traîne une très lourde dette, qui s'élève au moins à 7,7 milliards d'euros. Dans un récent rapport, la Chambre régionale des comptes publics a incité la municipalité à trouver des sources d'économies, en considérant que les investissements prévus par Anne Hidalgo ne seraient pas « soutenables » sinon.

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On risque donc de voir une entreprise – aux capitaux étrangers, dont l'origine est écologiquement et socialement discutable – réussir à faire pression sur une municipalité pour acquérir un bien public à prix cassé. Une folie qui ne peut exister que dans le fabuleux monde du football financiarisé. Si le PSG est prêt à investir 500 millions d'euros dans l'agrandissement du stade, c'est qu'il est obsédé par l'idée d'augmenter ses revenus.

Folie financière

Peu après le rachat du club, le fonds qui possède le club – Qatar Sport Investment (QSI) – avait pourtant déjà conclu un contrat très avantageux avec la mairie pour un bail de 30 ans, à un million d'euros par an. En contrepartie, le club s'était engagé à assurer les travaux de rénovation. Mais ce loyer modique a permis d'augmenter significativement les revenus du PSG qui procédait dans le même temps à l'augmentation des tarifs de la billetterie. Une politique qui a chassé le public populaire du Parc des Princes. Pour espérer voir un match, il faut débourser au moins 75 euros désormais.

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Il s'agit désormais d'aller plus loin, en ajoutant 20 000 places supplémentaires à l'enceinte et faire encore grossir le chiffre d'affaires pour que le club parisien puisse suivre ses concurrents européens. Ceux-ci sont bien souvent propriétaires de leur stade, contrairement à la grande majorité des acteurs français. Ce besoin financier est d'autant plus nécessaire, aux yeux du PSG, que le club est régulièrement sanctionné financièrement parce qu'il ne respecte pas le « fair-play financier », un mécanisme censé empêcher les clubs européens de dépenser plus qu'ils ne gagnent. Enfin, QSI devrait bientôt ouvrir son capital à un fonds d'investissement américain. Le club sera donc dans l'obligation d'offrir une rentabilité aux financiers. Une raison de plus d'acheter le stade pour continuer à en faire une machine à fric. Tant pis pour le football.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne