Accueil

Société Police et Justice
Le PNF confirme ce jeudi soir avoir ouvert deux informations judiciaires, les 20 et 21 octobre derniers. La première a été déclenchée pour « tenue non conforme de comptes de campagne et minoration d’éléments comptables dans un compte de campagne, portant sur les conditions d’intervention de cabinets de conseils dans les campagnes électorales de 2017 et 2022 ».
Le PNF confirme ce jeudi soir avoir ouvert deux informations judiciaires, les 20 et 21 octobre derniers. La première a été déclenchée pour « tenue non conforme de comptes de campagne et minoration d’éléments comptables dans un compte de campagne, portant sur les conditions d’intervention de cabinets de conseils dans les campagnes électorales de 2017 et 2022 ».
Hans Lucas via AFP

McKinsey : le PNF enquête sur le financement des campagnes présidentielles de Macron

Affaires

Par

Publié le

Démarrée avec l'enquête pour « blanchiment de fraude fiscale » visant le géant américain du conseil McKinsey, l'enquête du Parquet national financier (PNF) vise désormais des soupçons sur le financement électoral des deux campagnes présidentielles d'Emmanuel Macron. Un dossier susceptible d'empoisonner le dernier quinquennat du président.

Tempête au sommet de l’État. L’information couvait depuis quelques jours, mais elle n’a été rendue publique que ce jeudi 23 novembre par Le Parisien. Le Parquet national financier (PNF) a élargi l’enquête pour « blanchiment de fraude fiscale » visant le groupe américain de conseil McKinsey à des faits de « financement illégal de campagne » et « favoritisme ». Le PNF confirme ce jeudi soir avoir ouvert deux informations judiciaires, les 20 et 21 octobre derniers. La première a été déclenchée pour « tenue non conforme de comptes de campagne et minoration d’éléments comptables dans un compte de campagne, portant sur les conditions d’intervention de cabinets de conseils dans les campagnes électorales de 2017 et 2022 ». En ligne de mire, les deux présidentielles victorieuses d’Emmanuel Macron et le rôle qu’aurait joué en sous-main McKinsey. Les deux comptes de campagne, validés par le Conseil constitutionnel, vont être ressortis des archives et épluchés.

À LIRE AUSSI : Scandale Uber files : la Macronie "peine à voir" le problème et brandit… ses résultats

La seconde information judiciaire porte sur des soupçons de « favoritisme » et recel de « favoritisme », à la suite de plaintes « d’élus et d’associations », précise le PNF dans un communiqué. Dans ce second dossier, ce sont les conditions d’attributions de marchés publics au groupe McKinsey qui vont être épluchées. Trois juges d’instruction ont été désignés, dont l’expérimenté Serge Tournaire, revenu de Nanterre en septembre, et qui a déjà à son actif le renvoi de François Fillon en correctionnelle dans les affaires d’emplois fictifs de son épouse, et de Nicolas Sarkozy dans la tentaculaire affaire Bygmalion, portant sur le financement de la campagne présidentielle de 2012.

McKinsey à Bercy

Tout remonte donc au printemps dernier, et aux premiers soupçons visant le géant américain du conseil. Mi-mars, un rapport d'enquête parlementaire du Sénat pointe les contrats pharaoniques obtenus par McKinsey auprès de l’administration Macron depuis 2018. Consulté pour un oui ou pour un non, souvent en doublons d’études effectuées par l’administration elle-même, (comme avec ce rapport sur « l’avenir du métier d’enseignant », facturé un demi-million d‘euros), McKinsey a vu ses honoraires gonfler sous le mandat Macron, jusqu’à atteindre le montant record du milliard d‘euros en 2021.

À LIRE AUSSI : McKinsey, Accenture… 28 millions d’euros dépensés en cabinets de conseil durant le Covid-19

Cerise sur le gâteau de l’enquête des parlementaires : alors qu’il effectue une grosse partie de son chiffre d’affaires avec l'État, une activité manifestement rentable, le cabinet McKinsey échappe à l’impôt en France depuis dix ans. Par un jeu d’écritures comptables, et de refacturations internes, le groupe « plombe » son activité française au profit d’autres filiales du groupe, notamment celle de la maison-mère, dans l’État américain du Delaware, connu pour son faible taux d’imposition. En pleine campagne présidentielle, la polémique enfle. « Que ça aille au pénal ! » s’emporte même le candidat Macron le 27 mars dernier. Le 4 avril, Marianne révèle que le PNF « étudie l'éventualité d’une enquête préliminaire visant le cabinet de conseils McKinsey. Un sujet à très haut risque en pleine présidentielle puisque la société américaine, dont des cadres ont travaillé pour la campagne de 2017 du candidat Macron, a vu ses prestations exploser sous le quinquennat actuel… »

En coulisses, dès le 31 mars, le PNF a effectivement lancé une enquête dont les investigations ont été confiées à un service spécialisé de Bercy. Une fois la présidentielle passée, fin mai, une perquisition a lieu dans les locaux du géant du conseil, soupçonné de « blanchiment de fraude fiscale ». L’analyse des documents saisis a finalement conduit le PNF à élargir les investigations aux campagnes de 2017 et 2022. Le PNF a également reçu des « plaintes » d’élus et d'associations, faisant état d’un certain nombre de doutes concernant McKinsey. « Pour la campagne présidentielle de 2017, dans la petite équipe qui entourait Macron à Bercy, il y avait déjà plusieurs membres de l’équipe McKinsey », admet une source longtemps proche de l’actuel président. « Pour autant étaient-ils bénévoles ou leurs prestations auraient-elles dû être facturées ? », s’interroge cette source.

Présidentielle « maudite »

Autre soupçon judiciaire possible, des interventions du géant américain pour les présidentielles ont-elles été minorées ou oubliées des comptes de campagne officiels et refacturées ensuite, sous forme de prestations bidons payées par l’État ? L’enquête sur le système Bygmalion, et la campagne de Nicolas Sarkozy de 2012, a établi que des prestations effectuées pour la campagne avaient été en réalité facturées à l’UMP sous forme de fausses factures correspondant à des prestations bidon pour le compte du parti. Le procès en correctionnelle a déjà valu à l’ancien chef de l’État une condamnation à un an de prison ferme pour laquelle il a fait appel.

La justice doit enquêter « en toute indépendance » a réagi l’Élysée ce jeudi soir auprès de l'AFP. « À mon avis, un noyau très restreint de gens était au courant, via la Chancellerie », confie à Marianne un proche du chef de l’État. Protégé par l’immunité présidentielle le temps de son mandat, Emmanuel Macron ne risque pas d’être convoqué par les magistrats désormais en charge d’enquêter sur ses deux campagnes. Les juges devront attendre la fin de son mandat et de sa protection pénale. En attendant, ils ont tout le loisir d’entendre qui ils veulent… « Décidément, cette présidentielle de 2017 était maudite », réagit un proche du locataire de l'Élysée. Jusque-là, Emmanuel Macron, contrairement à la plupart des candidats, de Sarkozy à Bayrou et Fillon, en passant par Mélenchon et le Pen, échappaient à toute investigation judiciaire. C’est terminé.

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne