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Une bassine d'eau du type de celles qui ont été sabotées / Image d'illustration
Une bassine d'eau du type de celles qui ont été sabotées / Image d'illustration
PHOTOPQR/LA NOUVELLE REPUBLIQUE

Golfs, réservoirs, jacuzzis, SUV… Face à la sécheresse, une série de sabotages

Tensions

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Alors que les restrictions d'eau se multiplient en raison de la forte séquence de sécheresse que traverse le pays, de plus en plus d'actes de sabotages sont recensés en France.

S'achemine-t-on vers une véritable guerre de l'eau ? Alors que la France connaît un été particulièrement marqué par la sécheresse et par les restrictions d'eau, les tensions locales et le ressentiment engendrés par cette situation conduisent certains – militants écologistes ? Habitants en colère ? – à commettre des actes de sabotage. Des terrains de golf aux voitures à grosse consommation en passant par les jacuzzis des quartiers bourgeois, Marianne a recensé les derniers faits divers témoignant d'une accentuation des tensions autour de l'eau.

Deux nouveaux terrains de golf à Toulouse

Dernière cible en date : les terrains de golf. Dans la nuit de mercredi à jeudi 11 août, un collectif de militants toulousains baptisé « Kirikou » s’est introduit dans les clubs de golf Garonne des Sept Derniers et de Vieille-Toulouse. Les activistes, qui se sont, selon La Dépêche du midi , organisés en collectif spécialement pour l’occasion, ont saboté les parcours de golf en comblant les trous avec du ciment ou en endommageant la pelouse des greens.

Sur certains des trous cimentés, le collectif a laissé des pancartes. On pouvait notamment y lire : « Agriculteurs et maraîchers interdits d’irriguer, les golfs privilégiés, vous trouvez ça normal ? » ; « 600 golfs en France aujourd’hui boivent autant que 280 0000 habitants » ou encore « Ce trou a été bouché car son utilisation ne s’alignait pas avec le maintien d’un monde viable ». Dans un communiqué, ils ont également justifié leur démarche : « L'arrosage des greens, parcours et départs de golfs est autorisé par dérogation en raison du coût d’entretien de ces terrains très luxueux. [...] Cet acte de sabotage revendiqué résonne comme un passage à l’action directe dans un contexte de blablas incessants des politiques qui n’osent jamais prendre les décisions nécessaires. » Une action à l’efficacité discutable puisque les deux sites pris pour cible avaient déjà réparé les dégâts ce jeudi 11 août, au lendemain des dégradations.

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La consommation d'eau pour les terrains de golfs représente moins de 0,1 % des 40 milliards de mètres cubes d’eau prélevés en un an. Mais elle doit être mise en relation avec le nombre de pratiquants. La Fédération Française de Golf a enregistré 436 846 licenciés en 2021, auxquels il faudrait ajouter les pratiquants non licenciés ou occasionnels. Si on ne prenait en compte que ce nombre connu de 436 846 pratiquants, chacun d’entre eux serait responsable de l’utilisation de 67 m3 d’eau par an, soit plus que sa consommation domestique annuelle.

Deux réserves d’eau sabotées en Vendée

Le 10 août également, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau et son collègue à l’Environnement Christophe Béchu ont déploré que deux réserves d’eau aient été sabotées en Vendée, à Nalliers et à Pouillé près de Fontenay-le-Comte. Les grillages ont été sectionnés et les bâches d'étanchéité lacérées. « Il y avait notamment dans la réserve de Pouillé, un niveau d’eau à 55 % rempli, ce qui va avoir des conséquences sur la biodiversité et sur la production agricole des exploitations de ce secteur », s’est indigné auprès du quotidien l'Opinion le député local Renaissance Pierre Henriet. Ces bassines, qui servent notamment à l’irrigation des cultures, sont mal vues de certains militants écologistes opposés aux rétentions d'eau.

Dans un communiqué commun, les ministres ont jugé ces dégradations « inacceptables » : « Alors que nous devons plus que jamais faire preuve de responsabilité collective dans la gestion des ressources en eau, ces agissements irresponsables ont des conséquences dommageables pour le territoire et la poursuite des activités humaines, agricoles et économiques. » Une enquête a été ouverte.

Dans les Vosges, huit jacuzzis percés

Les tensions sont particulièrement vives dans les communes frappées par des restrictions d’eau. C’est le cas à Gérardmer où la nappe phréatique qui alimente la ville, celle de Ramberchamp et de la source du Grand Kerné, accuse un niveau particulièrement bas. Depuis mercredi, l’eau qui alimente les robinets des habitants provient donc… directement du lac de la ville, après une décision de la maire Stessy Speissmar. C'est la quatrième fois en vingt ans qu’une telle décision est prise.

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Conséquence directe : certains habitants semblent avoir cédé au ressentiment. Dans la nuit du 28 au 29 juillet, les jacuzzis de huit habitations ont été la cible d’actes de malveillance. Retrouvés éventrés, leurs cuves ont été percées les rendant inutilisables. Bilan total de l’opération : 80 000 euros. Sur place, le saboteur leur a laissé un mot : « L’eau, c’est fait pour boire ! Vous massacrez les Vosges… Plus sérieusement : la planète va mal, réveillez-vous ! »

L’un des propriétaires, Olivier Robert, s’est confié au site d’informations locales Gerardmerinfo : « Jeudi dernier vers 3 heures du matin, un individu a pénétré dans ma propriété et toutes celles de mon quartier, explique-t-il. Cette personne est restée 1 h 30 sur place en mode commando avec un bandana sur les yeux et des gants en latex. Je viens généralement une fois par semaine, je loue très peu le chalet dont je dispose et j’avoue que c’est très flippant d’avoir une personne qui rentre chez soi la nuit pour un acte de sabotage en laissant un message de Robin des Bois [...]. » Les sept autres propriétaires et lui-même ont porté plainte.

Fin juillet, des SUV

Le 28 juillet dernier, le compte Twitter « Les dégonfleurs de SUVs », fraîchement créé au mois de juin, revendiquait « le dégonflage de 35 tanks [nom donné aux SUV ; N.D.L.R] dans une ville de l'ouest de la France » , et annonçait « rejoindre le mouvement initié par The Tyre Extinguishers, déjà actif dans plus de 10 pays ». Un mouvement né en Grande-Bretagne qui vise à punir et sensibiliser les propriétaires de SUV, ces 4X4 urbains critiqués pour leur grande consommation de carburant et leurs émissions de gaz à effets de serre.

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Dès octobre 2020, en France, un mystérieux collectif nommé « La Ronce » invitait à mener des actions de sabotage pour « faire plier les multinationales ». Les auteurs du texte dressaient une liste d'actions possibles, dont l’impact financier serait de nature à déstabiliser le « système ». Parmi les actes proposés : ouvrir les bouteilles de Coca-Cola dans les supermarchés, bloquer les terminaux de paiement des stations Total… et saboter des SUV.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne