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Plus de 150 personnes sont mortes lors d'une bousculade à Séoul, capitale de la Corée du Sud.
Plus de 150 personnes sont mortes lors d'une bousculade à Séoul, capitale de la Corée du Sud.
AFP

Halloween à Séoul : GPS, observatoires… Comment éviter les mouvements de foules meurtriers ?

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Plus de 150 personnes sont mortes lors d’une bousculade, le 29 octobre, dans la capitale sud-coréenne, Séoul. Un phénomène que les chercheurs tentent de modéliser pour mieux anticiper les flux et les effets psychologiques des mouvements de foule.

La fête d'Halloween s'est transformée en jour de deuil national en Corée du Sud. Plus de 150 personnes sont mortes dans un mouvement de foule survenu le 29 octobre dans la capitale Séoul . Environ 100 000 fêtards s’étaient réunis pour célébrer l'évènement à Itaewon, un quartier animé et cosmopolite de la ville, pour la première fois depuis le début de la pandémie fin 2019. La bousculade a débuté à 22 h, près de l’hôtel Hamilton, un établissement situé sur une avenue principale entourée de ruelles en pente raides.

Des vidéos circulent sur les réseaux sociaux, montrant des passants bousculés, piétinés. Des hommes et des femmes en arrêt cardiaque gisent sur les trottoirs, tandis que des participants tentent de les réanimer, en vain. Un phénomène récurrent lors de mouvements de foule : la pression exercée par les individus les uns sur les autres provoque un risque d'étouffement. On se souvient notamment de la catastrophe du stade d’Hillsborough, au Royaume-Uni en 1991, et lors de la Love Parade, en Allemagne en 2010, qui avaient tué respectivement 97 et 19 personnes.

Selon la théorie du « tremblement de foule » de Dirk Helbing, professeur de sciences sociales computationnelles à l'École polytechnique de Zurich, en Suisse, dès que le seuil critique de six personnes par mètre carré est atteint, le moindre contact physique entraîne une bousculade. « Dans le cas de Séoul, c’est sans doute lié à une affluence majeure dans une zone précise avec des flux convergents de différentes directions qui empêchent les gens de sortir et se retrouvent ainsi coincés dans la masse », explique Julien Pettré, chercheur à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), contacté par Marianne.

Ce sont précisément ces flux bidirectionnels et les « ondes de pression » traversant la foule que l'Inria étudie dans le cadre du projet CrowdDNA , initié en novembre 2020, dont le but est d’anticiper ce genre d’incident. Des « observatoires de foules », qui se présentent sous la forme de valises équipées de caméras et de capteurs, sont placés dans de grands événements comme des festivals de musique ou des compétitions sportives afin de récolter le plus de données possibles sur le terrain.

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L'objectif ? Développer un algorithme suffisamment puissant pour analyser la foule en temps réel, grâce à des caméras de surveillance, et repérer les prémices d'une compression ou d'un mouvement dangereux. « L’idée, c’est d’anticiper au maximum, en donnant des signaux d’alerte suffisamment tôt pour sauver le plus de monde possible » précise le spécialiste des foules.

« GPS de la foule »

À terme, Julien Pettré envisage la mise en place d’une sorte de « GPS de la foule » pour dissuader les usagers de se joindre aux rassemblements. « Il faut que les gens s’y habituent, recommande-t-il. Comme lorsqu’ils rentrent dans une voiture, ils consultent leur GPS pour déterminer leur chemin en fonction des bouchons et des travaux. Là, ce sera la même chose concernant les évènements de masse pour apprendre à réagir correctement dans ces situations. » Mais une question essentielle demeure : comment vont réagir les foules aux instructions données ? « Dans certains cas, elles peuvent s’avérer contre-productives et provoquer un suraccident lié au stress des individus », prévient le spécialiste.

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Conclusion : les recherches scientifiques et technologiques ne suffisent pas à l’étude des foules, qui nécessite également de se pencher sur les ressorts psychologiques des individus. « Dans une foule agitée, la température monte vite, la compression physique devient aussi une compression psychique, et l'inquiétude va crescendo », décrit Étienne Vermeiren, psychologue clinicien spécialiste des gestions de crise et des traumatismes psychiques, interrogé par Marianne en mai 2022.

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De ce constat découle la volonté du projet CrowdDNA de collaborer avec des scientifiques de la psychologie cognitive pour étudier notamment la manière dont le corps réagit à différentes pressions. Anticiper les réactions, c’est aussi un moyen de sauver des vies, selon Julien Pettré. Même si des difficultés persistent pour éviter une catastrophe : « Si je suis poussé, je repousse de telle ou telle façon, etc. Les différences de comportement individuel et les caractéristiques physiques peuvent entraîner des réactions variées. C'est différent si on bouscule un enfant ou une personne âgée, par exemple ». Les réactions ainsi que les conséquences ne seront pas les mêmes, est-il expliqué sur le site de l'Inria. Le projet CrowdDNA doit s'achever en octobre 2024.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne