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Crashs, ovnis, passager fantôme... Le "triangle des Bermudes" français existe-t-il vraiment ?
Le Mont Mézenc, en Haute-Loire, l'un des sommets de la zone du "triangle de la Burle".
PHOTOPQR/LE PROGRES/MAXPPP

Crashs, ovnis, passager fantôme... Le "triangle des Bermudes" français existe-t-il vraiment ?

Paranormal mais presque (4/5)

Par Jade Serrano

Publié le

Du vent, des objets volants, un volcan... ou une vaste supercherie ? Quel mystère se cache derrière le « triangle de la Burle », surnommé ainsi en raison du célèbre triangle des Bermudes, cette mystérieuse zone située en plein Massif central dans laquelle se multiplient les accidents d'avion, dont l'un d'eux a d'ailleurs décimé l'élite militaire française en 1971 ?

Vers 10 h 30, ce 28 décembre 2006, des témoins voient passer un avion en feu dans le ciel de Saint-Sernin, en Ardèche. À bord de l'appareil, un Robin DR-400 : Gustave Soubeyrand, fondateur de l'aéroclub d’Aubenas-Lanas, 20 000 heures de pilotage à son actif et un élève-pilote. Quelques minutes plus tard, l’avion s’écrase au sol. Les deux occupants ne survivront pas au crash. C'est l'un des derniers en date, que certains relient à une longue série d'accidents inexpliqués dans la zone. Plus de soixante-dix, en l’espace de cinquante ans.

Ces accidents sont tous survenus dans un périmètre bien précis, situé dans les Cévennes, entre le mont Mézenc, le Puy-en-Velay et le massif du Pilat. La zone, surnommée « le triangle de la Burle », en référence au triangle des Bermudes, a la réputation d’être un tombeau à ciel ouvert. La plupart des accidents ont été résolus mais certains sont toujours inexpliqués, même cinquante ans après les faits. Plusieurs témoins affirment aussi y avoir observé des phénomènes étranges voire paranormaux. Le triangle de la Burle n’aurait-il pas livré tous ses secrets ?

L'hypothétique 22e passager

Le jeudi 21 janvier 1971, sur la montagne ardéchoise, la météo est exécrable. Un épais brouillard s’est installé et la neige tombe en abondance sur toute la région. C’est au sommet d’un col, à 1 300 mètres d’altitude, qu’un avion de l’armée de l’Air Nord-Aviation 262 s’écrase. L’alerte générale est donnée rapidement. Trois hélicoptères et une dizaine de sapeurs-pompiers sont mobilisés pour retrouver l’épave. Malgré les conditions climatiques désastreuses, les recherches aboutissent. En fin d’après-midi, les secours découvrent le bimoteur déchiqueté, à trois kilomètres de Mézilhac, au lieu-dit Les Hibertes. Aucun survivant. Parmi les 21 passagers de l’avion, les têtes pensantes du nucléaire français. Ce qui va transformer cet accident en une véritable affaire d'État. Avec ce crash, l'élite civile et militaire française vient de disparaître.

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Lorsque les radars de la circulation aérienne ont perdu la trace de l’appareil, qui se rendait à Orange pour mener ses passagers vers une importante réunion sur le nucléaire, le compte à rebours s'est déclenché. Il ne s’agissait pas seulement de retrouver les passagers. Surtout de mettre la main sur les documents ultra-confidentiels qu’ils transportaient avec eux. Après d'intenses recherches, lesdits documents sont retrouvés, intacts. Très vite les rumeurs les plus folles circulent sur l’accident. On évoque une explosion en plein vol, une opération de sabotage par des services secrets étrangers. Des témoins diront même avoir aperçu des soucoupes volantes à proximité de la tragédie.

Une seule hypothèse sera retenue, celle d’un acte terroriste. Une rumeur assure même que le corps d'un 22e passager a été découvert. Pourquoi pas le corps dudit terroriste ? Dans la foulée, une commission d'enquête est menée. Sa conclusion va contrecarrer toutes les conjectures rocambolesques : l'avion est entré en collision avec un rocher, à cause de l’aveuglante tempête neigeuse, ce matin-là. Et la rumeur d'un passager mystère ne sera pas confirmée.

Accidents du « rien »

Deux autres crashs d’avion dans les Cévennes ont été surnommés les accidents du « rien ». Et pour cause, leurs cockpits n'ont jamais été retrouvés. Pas un seul passager, non plus. Le 18 décembre 1980, un avion est en difficulté dans le ciel du Puy-en-Velay. Il est aperçu par des témoins, qui préviennent la gendarmerie. Sur place, le constat est accablant : l’avion a disparu derrière une montagne, laissant derrière lui, en guise d’adieu, un jet de fumée noire. Le plan Sauvetage aéroterrestre (SATER) est déclenché. Les secours se mettent à la recherche de débris et de potentiels survivants. Un hélicoptère survole la zone. Rien ne sera jamais retrouvé.

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Quarante ans après les faits, le mystère reste entier. Un mois plus tard, un autre accident viendra définitivement nouer l’étrangeté du premier drame. Le 22 janvier 1981, une patrouille de gendarmerie signale un autre avion, près du mont Devez, en Haute-Loire. Les secours sont envoyés une nouvelle fois. Les recherches n’aboutiront jamais. Le journaliste Jean Peyrard, aujourd'hui décédé, a enquêté sur ces mystérieux accidents. Dans son ouvrage, Le triangle de la Burle (Créer) paru en 2007, aux éditions l'Écriteau, il qualifie la zone « d’avaleuse de carcasse du crépuscule à l’aurore ».

Ovnis des Cévennes

Certains tentent d'expliquer ces deux accidents aériens à base de causes irrationnelles. En 2021, une chaîne Youtube, « En quête de lieux étranges », présentée par deux médiums, Jérôme Vibert et Didier Santiago, est consacrée aux mystères du triangle de la Burle. La thèse d’ovnis, des objets volants non identifiés, présents dans la zone pourrait être une hypothèse plausible, selon Jérôme Vibert : « Pourquoi ces ovnis, on va dire, ne vont pas essayer de sauver ces vols ? s’interroge le voyant. Pour moi, c’est une force extraterrestre. Il y a eu des crashs d'avions, on n'a jamais retrouvé les corps. » Sur le Net, d’autres vidéos circulent sur un supposé phénomène E.T. dans les Cévennes.

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Sur la chaîne NURÉA TV, consacrée aux phénomènes paranormaux, la conférencière et autrice Élisabeth de Caligny, spécialiste des ovnis, livre ses explications concernant les accidents inexpliqués du triangle de la Burle : « C’est vraiment un endroit caractéristique d’un véritable pot au noir [zone en mer de basse pression atmosphérique où se rencontrent vents du nord et du sud] très volcanique donc fortement magnétique. Dans ce secteur, il se passe de sacrées choses, dont des vitrifications de la roche montagneuse. » Photos à l’appui, elle montre une sorte de miroir en pleine montagne : « C’est un phénomène totalement inexplicable, que l’on retrouve aussi en Bretagne. Je n’ai pas d’explications géologiques mais beaucoup de gens se sont demandé, dans cette région très fréquentée par les ovnis, s’il n’y avait pas eu quelques coups de laser, ce qui pourrait expliquer ce type de particularité. »

Champ magnétique

La burle est un vent régional du Massif central. Il souffle l’hiver sur l'Ardèche, le Forez et les plateaux dégagés du Puy-en-Velay. Ce vent est associé à des températures glaciales, à de fortes tempêtes de neige et il est bien souvent responsable de congères, des amas de neige entassée par le vent. La violence de la Burle est l’une des explications scientifiques et météorologiques les plus probantes, pour expliquer ces accidents d’avions. Plus fragile, la thèse tellurique est aussi avancée pour tenter de rationaliser les crashs aériens, l'Auvergne étant une région volcanique.

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Cette caractéristique pourrait peser sur le champ magnétique des sols de la zone, comme l’explique l’Institut de physique du globe de Paris : « Les activités volcaniques engendrent une modification du champ magnétique terrestre local. » La scientifique Angélie Portal, auteure de l'étude sur la géophysique des dômes volcaniques de la chaîne des Puys, en 2016, estime également: « Les données magnétiques acquises en 2014 au niveau du sol, montrent des variations en amplitude très importantes. » Suffisant pour désorienter les avions et provoquer des crashs ? D'autres scientifiques en doutent fortement.

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Du vent ?

Et si la légende du triangle des Bermudes français avait été montée en épingle ? C’est en tout cas l’hypothèse avancée par l’association des Ardéchois à Paris, qui a publié un article sur son site internet. D’après eux, le répertoire des accidents que l’on trouve partout, en est la première preuve. La zone du triangle de la Burle n’est plus très bien délimitée : « Le périmètre défini pour le trou maudit s’inscrit approximativement entre le Mont Mézenc, le Puy-en-Velay et le massif du Pilat. Pourtant, il y a un hic : les accidents auxquels ils font référence se sont passés en dehors de cette zone, qui va donc devenir à géométrie variable. »

Autrement dit, dès qu’un accident se produirait dans le massif central, on aurait tendance à l’attribuer à la fameuse zone du triangle de la Burle, comme pour entretenir le mythe. Pour l’association, les Cévennes n'ont pas le triste record des crashs d’avions : « Au-dessus des Pyrénées, entre 2000 et 2010, sept accidents d’avion ont eu lieu, plus que dans le Massif central. Peut-être devrait-on parler aussi du triangle du Carccnet, ce vent qui souffle le long de la frontière espagnole ? Et si le triangle de la Burle n’était que du vent ? »

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne