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Macron, un échec européen ? Débat entre Jacques Sapir et Guillaume Klossa
"C’est un bilan de mots et non d’actes."
© Xose Bouzas / Hans Lucas

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Macron, un échec européen ? Débat entre Jacques Sapir et Guillaume Klossa

Entretien croisé

Propos recueillis par

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À l'occasion du second tour de l'élection présidentielle, « Marianne » a proposé à deux personnalités de dresser le bilan européen d'Emmanuel Macron. Jacques Sapir, pour incarner la tendance souverainiste, et Guillaume Klossa pour la tendance européiste. Pour Jacques Sapir, c'est un bilan d'échec, quand Klossa défend « une perception inférieure à sa qualité ».

Marianne : Quel est, selon vous, le bilan d’Emmanuel Macron sur la question européenne ?

Jacques Sapir : C’est un bilan de mots et non d’actes. Emmanuel Macron est très souple dans sa capacité à présenter des résultats qui proviennent de changements du contexte général, de la crise sanitaire, comme procédant des idées qu’il aurait avancées. Il fait penser au personnage de Cocteau qui déclare : « Puisque ces mystères me dépassent, feignons d'en être l'organisateur » (Les mariés de la Tour Eiffel, 1921).

Nul ne conteste les convictions d’Emmanuel Macron pour l’Europe ni son engagement. Il en avait fait l’un des pivots de sa campagne pour l’élection présidentielle de 2017. Force néanmoins est de signaler qu’il n’a pu ni n’a su dépasser les problèmes structurels de l’Union européenne, qu’il s’agisse de la coupure entre pays conservateurs (Hongrie, Pologne, Croatie) et pays libéraux, de la coupure entre pays « dépensiers » et pays « frugaux », de la coupure entre pays qui sont pro-américains et ceux qui le sont moins, voire du conflit latent qui existe entre la France et un bloc de pays emmené par l’Allemagne et l’Autriche sur la question de l’énergie nucléaire.

« D’une manière générale, Emmanuel Macron n’a pas pu, et peut-être pas su, convaincre les autres dirigeants européens. »

Assurément, la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine semble, en apparence, changer la situation. On pourrait penser que l’Union européenne a pris conscience de son unité et de son manque tragique d’initiative stratégique. Mais, si l’on y regarde de plus près, on voit que derrière l’unanimisme des discours les divergences persistent. Ainsi, que ce soit sur la question de l’énergie, sur celle de la défense et de la stratégie à adopter, et même – que l’on pense à l’attitude de Viktor Orban en Hongrie – sur la nature du soutien à l’Ukraine, la cacophonie demeure.

Il est clair que l’Union européenne a plus évolué, même si cette évolution est très relative, sous l’impact de la crise de la Covid que sous l’effet de la « volonté » d’Emmanuel Macron. Elle a eu tendance à s’écarter de son modèle initial de l’État régulateur. Qu’il s’agisse du « plan de relance européen » en réponse à la crise sanitaire, du programme de rachat de titres connu sous le nom de PEPP (Pandemy Emergency Purchasing Program) lancé par la BCE, il est évident que la réaction de l’UE a été plus importante que lors de la crise de 2008-2010.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne