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Pour freiner le nouveau variant, chacun sa méthode.
Pour freiner le nouveau variant, chacun sa méthode.
Photo William WEST / AFP

Fermeture des frontières, tests en masse et quarantaine : comment lutter contre Omicron ?

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Face à l'arrivée du variant Omicron, certains pays ont fermé leurs frontières à l'Afrique du Sud et ses voisins, d'autres ont carrément interdit l'entrée sur leur territoire à tout étranger, d'autres encore testent massivement. De l'avis de plusieurs experts, l'Europe – et la France – n'ont pas instauré de contrôles suffisamment sévères pour endiguer la propagation du Covid-19.

Fini le temps où le virus n'avait « pas de passeport », ses vecteurs de propagation – les humains – en possèdent un. Après la découverte d'Omicron, la nouvelle mutation du Covid-19 séquencée en Afrique du Sud, la question s'est ainsi posée à travers le monde : « faut-il ou non fermer ses frontières ? »

La crainte d'une potentielle nouvelle vague – Omicron est supposé plus contagieux sans que l'on sache s'il est plus virulent – a poussé certains pays à refermer les frontières avec l'Afrique du Sud et une petite dizaine de pays d'Afrique australe comme le Mozambique ou le Zimbabwe. En Europe, la France, l'Italie ou encore le Royaume-Uni ont fait ce choix. D'autres États, comme le Japon ou le Maroc, ont décidé d'interdire l'entrée de tout étranger sur le territoire, par précaution – sans écouter l'OMS qui déconseille cette fermeture des frontières, l'agence internationale la jugeant « trop tardive ».

Méthode « douce »

Au vu des différentes mesures prises dans le monde pour limiter la propagation du Covid-19, force est de constater que le vieux continent n'a pas choisi d'opérer les contrôles les plus drastiques. Pour entrer dans la plupart des pays européens, il faut actuellement présenter un passe sanitaire qui comprend au choix un schéma vaccinal complet, un certificat de rémission du Covid ou un test négatif de moins de 72 heures. Certains pays, comme l'Espagne ou l'Italie demandent de remplir une fiche de traçabilité listant les derniers déplacements et le lieu de résidence dans le pays.

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Des dispositions qui ne sont « pas suffisantes », déplore Yves Buisson, épidémiologiste et membre de l'Académie nationale de médecine. Ce dernier rappelle que ces conditions « n'empêchent pas d'avoir le virus au moment de l'entrée et encore moins de le transmettre ».

« Il faudrait que tous les pays européens se mettent d'accord, pour non seulement fermer les frontières, ce qu'ils font, mais surtout les contrôler plus efficacement » estime le spécialiste. Pour lui, un récent épisode survenu aux Pays-Bas illustre l'échec de la stratégie européenne. Ce vendredi 26 novembre, 600 passagers de deux vols en provenance d'Afrique du Sud ont été testés positif. Bien que l'on ne sache pas encore s'ils le sont au nouveau variant, « en attente du résultat, ils ont tous été parqués ensemble, ça ne peut qu'encourager la transmission », pointe l'épidémiologiste.

Autre angle mort, une certaine « naïveté de la libéralité ». « On a longtemps fait signer des documents sur l'honneur aux personnes cas contact pour s'isoler, mais on a très peu contrôlé s'ils respectaient cette mesure. La stratégie consistant à "tester, alerter, protéger" ne fonctionne que lorsqu'il existe des contraintes, or en Europe, nous sommes soumis au volontariat », regrette Yves Buisson, qui estime qu'il faudrait s'inspirer des solutions asiatiques.

Zéro Covid

Dans certains pays de la région Indo-Pacifique, les méthodes de contrôle sont radicalement différentes. En Chine comme en Australie, la stratégie du zéro Covid règne. Fermeture totale des frontières, tests en masse dès le premier cas détecté doublé d'un confinement ultra-strict. La Chine a ainsi reconfiné plusieurs centaines de milliers de personnes le 2 août à Nankin, après avoir découvert 55 nouveaux cas. Depuis le début de la pandémie, le pays n'accepte aucun touriste sur son territoire et les travailleurs font l'objet de contrôles stricts. Toute personne entrante doit se soumettre à une quarantaine de 2 à 3 semaines, en fonction des dispositions locales.

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« Sanitairement parlant, cette stratégie est la meilleure », juge Jonathan Roux, épidémiologiste à l'école des hautes études en santé publique (EHESP). « Il est logique que lorsqu'on ferme un pays hermétiquement, on est à l'abri de toute entrée du virus. » Mais le zéro covid repose également sur une « forte adhésion de la population », rappelle l'épidémiologiste et il est plus difficilement tenable sur le long terme. En Australie, les réactions sont de plus en plus violentes contre ces mesures, et des manifestations dégénèrent. En Chine également, des protestations contre des restrictions jugées trop fortes ont éclaté ces derniers mois.

Au vu des contestations déjà présentes en France, cette solution pourrait-elle être appliquée ? « Nous ne nous sommes jamais posé la question et avons choisi de vivre avec le virus en mettant le paquet sur la vaccination et le "tester, alerter, protéger" », répond Jonathan Roux. Mais, entre la France et la Chine, une troisième voie de contrôle de l'épidémie existe.

Quarantaine obligatoire

En Europe, un étranger qui arrive avec un test PCR négatif peut être finalement positif quelques jours plus tard. Pour pallier cette éventualité, certains pays ont mis en place un isolement obligatoire dès leur entrée dans le pays. C'est le cas du Japon ou, même vacciné et négatif, tout voyageur doit se mettre en quarantaine pendant une dizaine de jours. À cette issue, il sera testé à nouveau et libre de ses mouvements s'il n'est pas porteur du Covid.

« C'est une solution qui est en place dans plusieurs pays comme Singapour et le Vietnam, même le Royaume-Uni a instauré ce système », rappelle l'épidémiologiste Yves Buisson. « Il faut instaurer une quatorzaine de précaution », abonde Jonathan Roux, qui plaide pour une semaine obligatoire à l'hôtel. « Comme l'incubation dure environ 4 à 5 jours, si on isole une semaine entière, on est pratiquement certain que la personne n'est pas infectée. » Cependant, dans les pays où il est utilisé, la quatorzaine est à la charge du voyageur et peut coûter plusieurs milliers d'euros. Cette stratégie est aussi « plus facile à mettre en instaurer sur des îles, où les liaisons sont aériennes ou maritimes », nuance l'épidémiologiste, qui maintient : afin de freiner, même a minima, la progression du virus et limiter le nombre de clusters, « instaurer cette quatorzaine obligatoire aura toujours un intérêt ».

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne