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Mort du jeune Aymen à Montpellier : ce que l'on sait des tensions communautaires qui ont suivi
Une marche a été organisée ce mardi avant les obsèques du jeune Aymen.
PHOTOPQR/LE MIDI LIBRE/MAXPPP

Mort du jeune Aymen à Montpellier : ce que l'on sait des tensions communautaires qui ont suivi

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La mort d'Aymen, 13 ans, percuté par une voiture après le match France-Maroc avait suscité de très vives tensions communautaires entre « maghrébins » et « gitans » dans le quartier de la Mosson à Montpellier. Près d'une semaine après, le suspect reste en fuite mais le calme semble être revenu.

Après les vives tensions de la semaine dernière, les obsèques du jeune Aymen se sont tenues ce mardi à la mosquée de la Paillade, à Montpellier. Ce garçon de 13 ans a été percuté par une voiture mercredi dernier, quelques minutes après la fin du match entre la France et le Maroc. Un attroupement d'une dizaine de jeunes s'est formé autour d'une Citroën claire, circulant sur l'avenue de Barcelone, dans le quartier défavorisé de la Paillade. Selon plusieurs vidéos abondamment diffusées sur les réseaux sociaux, il semble que ces jeunes – dont certains paraissaient menaçants – ont tenté d'arracher un drapeau français, brandi par la fenêtre du véhicule. Le conducteur de la voiture a alors brusquement fait demi-tour, renversant plusieurs jeunes, dont le jeune Aymen, très violemment touché.

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L'adolescent est décédé peu après sa prise en charge par les secours, d'une « hémorragie interne massive », selon les éléments de l'autopsie communiqués par le parquet. La voiture a été retrouvée peu après, vide, à quelques centaines de mètres des lieux de l'accident. Son chauffeur a été identifié par les autorités, mais il est toujours en fuite à cette heure. Une enquête a été ouverte par le parquet* pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Vendredi, une personne a été placée en garde à vue, avant d'être relâchée, « sans qu'aucune charge ne soit retenue à son encontre en l'état », a précisé le parquet.

Tensions communautaires

Ce drame a déclenché de très vives tensions, fondées sur l'origine maghrébine de la victime et l'appartenance – présumée – à la communauté gitane du conducteur de la voiture. Peu après les faits, un homme, identifié par ses agresseurs comme étant le passager de la voiture, a été violemment pris à partie. Puis, la situation a dégénéré dans la nuit de jeudi à vendredi. L'appartement de l'homme soupçonné par certains d'avoir été le passager de la voiture a été saccagé. Des poubelles et une voiture ont été incendiées, selon la préfecture. Plusieurs vidéos diffusées cette nuit-là ont montré des dizaines de jeunes courant les rues, certains criant « on va vous niquer vos mères, les ­Gitans… » ou encore « Allah Akbar ».

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Cette situation a contraint certaines familles gitanes à quitter leur domicile, selon les déclarations d'un de leur porte-parole dans plusieurs médias. Une information que ne pouvaient pas confirmer la mairie de Montpellier et la préfecture, sollicitées ce mardi par Marianne. Les autorités réfutent toutefois la rumeur selon laquelle une personne aurait été égorgée cette nuit-là, lors d'une expédition punitive. Elles n'ont pas non plus relevé de coups de feu et aucun policier n'a été blessé.

Manque de mixité

Depuis, le calme semble être revenu dans le quartier de la Paillade. La mairie salue pour cela les appels pacifiques lancés par la famille de la victime, qui ont été largement relayés par certains habitants ne voulant pas d'une « guerre aux gitans ». « Nous appelons au plus grand calme et exprimons notre confiance dans les institutions de la République, police et justice, pour que l'auteur des faits soit interpellé et jugé », a ainsi écrit la famille d'Aymen dans un communiqué. Durant le week-end, des rencontres ont semble-t-il permis d'apaiser la situation. Des représentants des deux « communautés », accompagnés par des imams et des pasteurs évangélistes, se sont notamment réunis dans une mosquée.

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Selon la préfecture, ces vives tensions communautaires sont inédites. Malgré tout, les autorités ont déjà été alertées quant au manque de mixité sociale et ethnique du quartier de la Mosson. L'année dernière, lors d’une visite sur un point de deal démantelé, Emmanuel Macron avait lui même été interpellé par une mère de famille lui demandant ce qu’il comptait faire pour remédier à cette situation. « Mon fils de 8 ans m’a demandé si le prénom Pierre existait vraiment ou si ce n’est que dans les livres, tellement il y a un manque de mixité », avait-elle expliqué au président.

Construite pour accueillir les rapatriés d'Algérie, la Mosson, qui englobe la Paillade, reste l’un des quartiers les plus défavorisés de la région Occitanie. Le taux de pauvreté y frôle les 60 %. Seuls 35 % des habitants en âge de travailler ont un emploi. Lorsqu’ils en ont un, « il s’agit une fois sur quatre d’un emploi précaire », relève une note de l'Insee publiée en 2018. Toutefois, de tels affrontements entre populations d'origine maghrébine et gitane ne sont pas inédits dans la région. En 2005, une semaine d'émeutes avait enflammé la ville de Perpignan après les meurtres successifs de deux hommes maghrébins.

*Sollicité à plusieurs reprises, le parquet de Montpellier n'a pu être joint par Marianne.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne