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J.K. Rowling menacée de mort : l'écrivain ciblée depuis des années par des militants transgenres
La mère d'Harry Potter a été menacée de mort après son soutien à Salman Rushdie.
Joel C Ryan/AP/SIPA

J.K. Rowling menacée de mort : l'écrivain ciblée depuis des années par des militants transgenres

Voldemort

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Après avoir apporté son soutien à Salman Rushdie sur Twitter, J.K. Rowling, la créatrice d'Harry Potter a reçu en réponse un message indiquant « tu es la prochaine ». Depuis des années, la romancière subit les foudres de militants en faveur des droits des personnes trans qui lui reprochent certains de ses propos.

Qui veut la peau de J.K. Rowling ? Ce vendredi 12 août, la romancière, créatrice de la saga Harry Potter, a publié sur Twitter un message de soutien à Salman Rushdie à la suite de l'attaque au couteau qui l'a grièvement blessé. Alors qu'elle lui souhaitait un prompt rétablissement, un internaute lui a répondu sur le réseau social : « Tu es la prochaine ». C'est l'écrivain elle-même qui a révélé ce tweet – supprimé par son auteur semble-t-il – en publiant une capture d'écran pour le prouver, le lendemain. La police écossaise a affirmé avoir « reçu des informations sur une menace proférée en ligne et nos agents procèdent à des investigations ».

Bien que les motivations de l'internaute ne soient pas encore connues, J.K Rowling a déjà dénoncé, à de plusieurs reprises, des menaces de mort la concernant venant de militants transgenres. En novembre 2021, elle avait reçu des lettres d'injure et de menaces à son domicile après que son adresse ait fuité sur internet. En cause, ses opinions sur les personnes transgenres. Pour résumer, elle estime que le genre est avant tout une question de biologie.

École débaptisée

L'acharnement sur J.K Rowling avait déjà franchi un cap en 2021. La Boswells School de Chelmsfort (Essex, est de l'Angleterre) a débaptisé l'un de ses bâtiments qui portait le nom de la célèbre romancière, au motif de « ses opinions sur les personnes trans ».

« À l'automne 2021, nous avons revu et renommé l'un des bâtiments de l'école suite à de nombreuses demandes d'élèves et du personnel, ainsi qu'à un vote de l'ensemble de l'école » explique Stephen Mansell, directeur de l'établissement. Une décision découlant de la volonté de fonder « une communauté scolaire dynamique, inclusive et démocratique, où nous encourageons les élèves à devenir des citoyens indépendants et confiants ».

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Pour le directeur de l'école, la suppression du nom de J.K. Rowling vient de « nombreuses demandes d'étudiants et de membres du personnel (…) à la lumière des commentaires et des opinions de J.K. Rowling ».

Rowling dépossédée de son œuvre

Les prises de position de J.K. Rowling ont déclenché une tempête qui n'en finit plus. L'auteure est devenue une cible de choix de ce que l'on nomme la cancel culture, soit la volonté d'effacer son nom le plus possible de l'espace public. Ainsi, en septembre 2020, la Warner, qui dispose des droits de l'univers Harry Potter annonce un jeu vidéo basé sur la saga : « Hogwarts Legacy ». Face à des commentaires de fans de la saga outrés par les opinions de sa créatrice, le studio du jeu a tenté de rassurer en affirmant que le jeu n'était pas développé avec la romancière.

Le studio a même annoncé que les joueurs auront le choix de la voix de leur personnage, qu'il ait un corps d'homme ou de femme. Une façon un brin démago de se mettre les militants de la cause trans dans la poche. Mais les tentatives de déposséder la romancière de son univers continuent aujourd'hui. Le lundi 13 décembre 2021, la Warner dévoile la bande-annonce du troisième opus des Animaux Fantastiques, une saga qui s'inscrit dans l'univers magique.

Alors que la bande-annonce du premier opus annonçait « J.K. Rowling vous invite » en grosses lettres enflammées, elle a ensuite été reléguée à l'image finale du nouveau trailer, en tout petits caractères. La romancière tient pourtant les rênes du scénario. Accessoirement, c'est elle qui a permis à cet univers d'exister…

L'effacement progressif de l'écrivain a atteint son paroxysme le 1er janvier 2022. Pour fêter les 20 ans de la saga Harry Potter au cinéma, la plateforme HBO Max a diffusé Retour à Poudlard. Un programme spécial dans lequel tous les acteurs de l'octalogie se sont retrouvés pour évoquer des souvenirs. Manque à l'appel : la créatrice du personnage, excusez du peu. Elle apparaît simplement dans des images d'archives datant de 2019. Selon le Los Angeles Times, « un porte-parole de HBO a fait savoir que Rowling avait été invitée à donner une nouvelle interview, mais que les producteurs ont eu le sentiment que les images d’archive [de 2019] faisaient l’affaire. HBO n'a pas donné suite aux questions visant à préciser si Rowling avait refusé la nouvelle interview, ou si celle-ci avait été filmée avant de finalement être écartée du montage par les producteurs de l’émission ».

Plus anecdotique, mais non moins éloquent, l'US Quidditch et la Major League de Quidditch, des ligues sportives inspirées du sport sur balais inventé par l'auteure, ont choisi de changer de nom pour se détacher de la romancière. Cachez cette femme que l'on ne saurait voir (ni nommer).

« Trahison » de la cause des exclus

Pour comprendre cette démonstration de cancel culture dans les grandes largeurs, il faut remonter au 6 juin 2020. Sur Twitter, Rowling partage un article intitulé : « Opinion : Créer un monde post-Covid-19 plus égalitaire pour les personnes qui ont leurs règles ». Ce à quoi elle ajoute, avec un brin d'ironie : « « Les personnes qui ont leurs règles ». Je suis sûre qu’on avait un mot pour désigner ces personnes, avant. Que quelqu’un m’aide. Fammes ? Fommes ? Fimmes ? ».

Pour une partie de la communauté transgenre et ses alliés, la publication était coupable de transphobie. Selon eux, l'identité de genre supplante le sexe biologique – on peut donc naître avec un pénis mais se sentir femme ou naître avec un vagin mais se sentir homme.

Dans un second tweet, la romancière estime : « Si le sexe n'est pas réel, la réalité vécue par les femmes du monde entier est effacée. Je connais et j'aime les personnes transgenres, mais effacer le concept de sexe empêche beaucoup d'entre elles de discuter utilement de leur vie. Ce n'est pas de la haine que de dire la vérité. » Des propos qui, pour ses détracteurs, la classent dans la catégorie des « féministes radicales qui excluent les trans » (TERF).

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Le 27 août 2020 Rowling a même dû se résoudre à rendre le prix du « Ripple of Hope », remis l'année précédente par l'organisation des droits humains Robert F. Kennedy (RFKHR). À la suite de ses propos sur les « personnes qui ont leurs règles», la présidente de RFKHR a estimé que l'auteure « réduisait l'identité » des personnes transgenre.

J.K. Rowling est d'autant plus prise à partie que certains de ses fans voient dans son discours une véritable trahison, au motif que sa saga véhicule un message central : la défense des exclus. L'intrigue de Harry Potter met en scène des sorciers nés de personnes non-magiques en lutte face au projet suprémaciste de Voldemort basé sur la pureté du sang, mais aussi des créatures magiques discriminées car jugées inférieures comme les elfes, les centaures et les gobelins.

Accusations plus anciennes

Mais si le tweet de juin 2020 a mis le feu aux poudres, J.K. Rowling est en réalité, plus discrètement, dans le collimateur de certains militants transgenre depuis plus longtemps. En 2018, la romancière « like » (approuve, N.D.L.R.) un tweet qui dépeint les personnes trans comme des « hommes en robe ». Son attaché de presse plaide l'erreur « typique d'une personne de son âge ».

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Autre objet de polémique : le soutien, en mars 2019, à Maya Forstater, salariée d'une ONG américaine Centre for Global Development, dont le contrat n'a pas été renouvelé. En cause : des tweets jugés transphobes. Maya Forstater estimait, en septembre 2018, qu'« élargir radicalement la définition juridique du terme "femmes" afin qu’elle puisse inclure à la fois des hommes et des femmes en fait un concept dénué de sens et sapera les droits des femmes et la protection des femmes et des filles ». Et d'ajouter : « Je pense que les personnes mâles ne sont pas des femmes. Je ne pense pas qu’être une femme soit une question d’identité ou de sentiments féminins. C’est de la biologie ».

Après l'annonce du non-renouvellement du contrat de Forstater, J.K. Rowling estime injuste de « forcer les femmes à quitter leur emploi pour avoir déclaré que le sexe est réel ». Une défense rapidement dénoncée comme étant, elle aussi, transphobe.

Mais le cas Rowling dépasse désormais le cadre de la cancel culture. En novembre 2021, la romancière annonce que trois militants « se sont photographiés devant (sa) maison en se positionnant soigneusement pour que (son) adresse soit visible ». La police écossaise a annoncé qu'une enquête était en cours. En vingt ans, Rowling est passée de modèle pour tout une génération à « celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom ».

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne