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Europe, école… : ces autres passages discutables de l'entretien de Macron au "Parisien"
Emmanuel Macron le 17 décembre durant une conférence de presse avec le chancelier allemand Olaf Scholz.
JOHN THYS / POOL / AFP

Europe, école… : ces autres passages discutables de l'entretien de Macron au "Parisien"

"Emmerder les non-vaccinés"

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Les propos d’Emmanuel Macron sur les non-vaccinés ont suscité, à raison, la polémique. Mais cela ne doit pas détourner l’attention d’autres déclarations dans l’interview au « Parisien » qui ont de quoi, elles aussi, faire vivement réagir les oppositions.

L’arbre qui cache la forêt. Les analyses des commentateurs et les réactions de l’opposition, focalisées sur les déclarations concernant les non-vaccinés, risquent bien d’occulter les propos d’Emmanuel Macron au Parisien ce 4 janvier sur les autres thématiques de la campagne. Et, pourtant, que ce soit sur l’Europe, l'éducation, la drogue ou l’héritage, le chef de l’État n’a pas manqué de formules sujettes à débat, aux accents libéraux et européistes. Mises en lumière, elles n’auraient pas manqué de faire bondir l’opposition. Marianne revient sur ces déclarations dont vous n’entendrez pas parler et qui pourtant en disent beaucoup sur un président (quasiment) en campagne.

Sur l’UE, credo européiste et élargissement

C’est par le sujet européen qu’Emmanuel Macron commence son entretien au Parisien. Interrogé par un lecteur sur la polémique à propos du drapeau européen sous l’arc de triomphe, Emmanuel Macron n’en démord pas : « ce drapeau européen, j’en suis fier. Il faut l’assumer car c’est un symbole de paix. » Un refrain sur « l’Europe c’est la paix » que poursuit le chef de l’État en puisant dans son histoire personnelle : « Ma grand-mère maternelle est née sous la Première Guerre mondiale en 1916, elle a vu son père revenir estropié et la moitié de sa famille décimée. Elle a été mère au premier jour de la Seconde Guerre mondiale, elle a vu son mari partir à la guerre, puis son premier fils partir à la guerre d’Algérie. »

Outre que certains s'interrogeront sur le rapport entre l’Union Européenne et la guerre d’Algérie, beaucoup y verront une sorte d’argument d’autorité pour mieux balayer toutes critiques sur les orientations libérales de l'Union Européenne, la mise en concurrence des travailleurs et des économies qui ne sont pas franchement des sources de pacification.

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Dans cette même lignée, Emmanuel Macron semble se montrer favorable à un élargissement de l’Europe : « L’Europe n’est sans doute pas au bout de ses propres frontières, les Balkans occidentaux ne seront jamais en paix si on les laisse à part. » Tout en admettant que ce ne serait pas possible pour la Turquie tant le « projet politique, civilisationnel que poursuit aujourd’hui le président Erdogan n’est pas conforme aux valeurs de l’Europe. »

Économie : silence sur les inégalités

Au volet économique, l’énarque excelle aussi dans les discours lyriques. Questionné sur les droits de succession par une lectrice, voilà le président lancé sur notre « nation de paysans » qui aurait la « transmission » dans son ADN.

Dans un « en même temps » dont il a le secret, le locataire de l’Élysée rappelle que « l’impôt, c’est ce qui permet de financer tous les services publics », tout en admettant qu’il y a un « sujet » sur la transmission des « patrimoines modestes » et qu’il n’est pas favorable à l’augmentation des droits de succession. Préconisation : « il y a des choses à améliorer ». Pas ultra-limpide.

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Surtout une manière, là aussi, de ne pas évoquer les nombreux travaux d’économistes sur les lourdes inégalités suscitées par l'héritage et les successions des ultra-riches, exorbitantes par rapport à celles des Français « modestes » et peu taxées. Au profit d'une forme de statu quo de la macronie, bloquée entre son idéologie libérale, théoriquement opposée à une société d'héritiers, et la sociologie bourgeoise d'une bonne partie de son électorat.

Le président fait aussi une promesse, probablement pas tout à fait désintéressée en campagne électorale : « tant que je serai dans mes fonctions, il n’y aura pas d’augmentation d’impôts. »

École : rhétorique (très) libérale

Au chapitre éducation, certains verront d’abord une petite pique à Jean-Michel Blanquer. À une enseignante qui « regrette de découvrir souvent les annonces de nouveaux protocoles dans les médias plutôt que d’abord par notre hiérarchie », Emmanuel Macron acquiesce : « Vous avez raison. Je vous donne le point. Il faut plus d’anticipation et plus de temps aux rectorats pour communiquer avec les écoles en amont. » Mais le ministre est pardonné : « on est dans une société de l’immédiat, tout va tellement vite avec l’information sur les réseaux sociaux ! [...] Les ministres, à peine ont-ils dit une chose, ça se retrouve rapidement partout. »

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Sur le fond, le président continue de développer une vision libérale de l’école qui, en pleine campagne, risque bien de faire bondir les syndicats. Dans la lignée des expérimentations annoncées en septembre dans des établissements marseillais, Emmanuel Macron insiste à nouveau sur « la liberté qu’on peut donner à certaines écoles de bâtir leur propre projet pédagogique selon leur territoire. » Le chef de l’État s’engouffre aussi dans l’épineuse question du temps de travail des enseignants : « un rapport de la Cour des comptes [...] montre que le temps de l’enseignement en France n’est pas satisfaisant par rapport au nombre d’enseignants embauchés. » Et fustige un « système trop rigide ».

Sur la drogue : les petits gestes

Il y avait l’écologie des petits gestes, souvent fustigée par les défenseurs de l’écologie politique, Emmanuel Macron vient d’inventer les petits gestes de la lutte antidrogue ! Chacun peut maintenant contribuer à la bataille contre les cartels. Tremblez Escobar, le citoyen engagé est à vos trousses.

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Interrogé sur les « drives » de drogue dans les quartiers nord de Marseille par une lectrice, Emmanuel Macron promet qu’on « harcèle » les trafiquants et qu’on « ne lâchera rien ». Mais il rappelle aussi : « la drogue, il n’y a pas de vendeurs s’il n’y a pas de consommateurs ». Le chef de l’État demande la mobilisation générale : « On est une nation, de citoyens tous solidaires, et donc, plus chacun fait la traque aux pratiques, même festives, plus on peut réduire cela. » « Les gens qui consomment de la drogue dans les soirées sympathiques, ce sont des gens qui financent ces systèmes mafieux et l’insécurité des quartiers les plus populaires. » embraie le président.

Pas faux sur le fond. Mais au risque, en renvoyant la responsabilité sur les consommateurs, de ne pas esquisser une politique globale de lutte contre les trafics, de la prévention à la sanction.

Sur le glyphosate, le renoncement

Sur le glyphosate, le président concède « je n’ai pas réussi ». Le chef de l’État avait promis en 2017 d'interdire ce produit sous trois ans, avant de renoncer.

« Certains agriculteurs m’ont dit que si on les obligeait à sortir rapidement, ils allaient mettre la clé sous la porte, parce que leurs concurrents espagnols ou italiens, eux, pouvaient continuer à produire » se justifie Emmanuel Macron. Avant d’ajouter : « Il faut agir sur ces sujets au niveau européen. Cela ne marche pas si on le fait tout seul. Je ne peux pas mettre des agriculteurs dans des impasses et sans solution. » Une conclusion en forme d’aveu d’échec sur l’affirmation de la souveraineté française et la capacité de la France à être à l’avant-garde d’un nouveau modèle agricole.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne