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Les fermetures de lits d'hôpitaux se poursuivent de plus belle en 2020.
Les fermetures de lits d'hôpitaux se poursuivent de plus belle en 2020.
Manuel Cohen / Manuel Cohen via AFP

Hôpitaux : comment expliquer les fermetures de lits en pleine crise Covid ?

Crise hospitalière

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Une étude de la Drees, publiée mercredi 29 septembre, rapporte que 5 758 lits d'hospitalisation ont été fermés au cours de l'année 2020. Une tendance à rebours des promesses gouvernementales d'autant plus surprenante qu'elle survient en pleine crise du Covid. Mais qui trouve aussi des explications logiques.

Des fermetures de lits au plus haut de la crise sanitaire. C'est le constat d'une étude publiée ce mercredi 29 septembre par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), organisme public dépendant du ministère de la santé. Sur l'année 2020, 5 758 lits d'hospitalisation complète ont été fermés.

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Une tendance qui se poursuit depuis des années. Selon le rapport, entre 2013 et 2020, ce sont près de 27 000 lits qui ont disparu des hôpitaux. La moyenne était de -0,9 % jusqu'à 2019 et de -1,5 pour l'année écoulée. À l'inverse, les places d'hospitalisation partielle, pour les séjours de moins de 24 heures, continuent d'augmenter, passant de 72 000 en 2013 à 80 000 en 2020.

L'étude semble contredire les propos du ministre de la Santé. Le 18 novembre, il affirmait sortir « totalement du dogme de la réduction des lits lorsqu’il y a des transformations de projets hospitaliers ». Durant le Ségur de la santé, le 21 juillet 2020, Olivier Véran avait annoncé 50 millions d'euros afin d'ouvrir 4 000 lits « à la demande ».

Effet Covid

Bien que les chiffres interpellent, ils trouvent aussi une explication logique. Pendant la crise sanitaire, les personnels hospitaliers ont été recentrés sur l'afflux de malades du Covid-19 et ont donc délaissé certains services, entraînant les déprogrammations de soins. La DREES précise également que pour « limiter la contagion, de nombreuses chambres doubles ont été transformées en chambres simples, réduisant là aussi le nombre de lits d'hospitalisation complète disponibles en fin d'année ».

Faut-il s'inquiéter de cette baisse ? Pour Marc Leone, chef du service d’anesthésie et de réanimation à l’hôpital Nord de Marseille, « la vraie question repose sur la qualité des soins, les fermetures de lits accompagnent un mouvement global dans lequel on réduit la durée de l'hospitalisation. Certaines pour lesquelles on restait 3 jours auparavant se font aujourd’hui en 2 heures, c'est mieux pour le patient ». C'est la logique du virage ambulatoire. Mais peut-elle pour autant tout expliquer ? « Cela dépend de chaque territoire et de chaque hôpital, selon les besoins, poursuit Marc Leone. Parfois, les fermetures se font sur une simple logique comptable, c'est là qu'elles sont problématiques pour les patients. »

Emplois de soignants vacants

En parallèle, l'étude annonce l'ouverture de 786 lits de réanimations l'an passé, portant le total à 6 200. Mais, « c'est une augmentation en trompe-l’œil » relativise le professeur Djillali Annane, chef du service de réanimation de l'hôpital Raymond-Poincaré à Garches. Il y voit « une confusion sémantique entre les lits de réanimation et ceux de soins critiques ». Ces derniers englobent à la fois les lits de réanimation, les lits de soins intensifs et ceux de surveillance continue. Ce que la DREES présente comme des nouveaux lits de réanimation seraient en réalité « éphémères, ils ont été créés par la transformation de salles de réveil mais sont loin d'avoir les équipements nécessaires d'une vraie chambre de réanimation qui ressemble presque à des blocs opératoires » explique le médecin.

Pour Djillali Annane, l'enjeu sanitaire est ailleurs : « Ce qui induit l'impossibilité de créer des lits de réa sur le long terme, c'est la forte diminution des ressources humaines. Le nombre d'emplois vacants d'infirmier et de médecins n'a jamais été aussi important » explique le soignant. Il l'explique par les « conditions de travail qui se dégradent depuis 30 ans », entraînant un cercle vicieux car « moins on a de soignants, plus la charge de travail de ceux qui restent est démultipliée ». Et, comme la présence de soignants est nécessaire pour conserver des lits ouverts, la situation s'enlise.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne