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L’Australienne Sophie Hyde, sur un scénario habile conçu par la comédienne anglaise Katy Brand, joue de l’unité de lieu (une chambre d’hôtel, donc) pour mettre en scène un film qui, malgré ses redondances et ses allures de « théâtre filmé », met à nu ses personnages avec bien plus d’audace que ne le laissait supposer son argument.
L’Australienne Sophie Hyde, sur un scénario habile conçu par la comédienne anglaise Katy Brand, joue de l’unité de lieu (une chambre d’hôtel, donc) pour mettre en scène un film qui, malgré ses redondances et ses allures de « théâtre filmé », met à nu ses personnages avec bien plus d’audace que ne le laissait supposer son argument.
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"Mes rendez-vous avec Leo", de Sophie Hyde : une fellation ou une confession ?

Sortie en salles

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Sophie Hyde orchestre la rencontre entre une veuve (Emma Thompson) à la recherche d’un plaisir sexuel qu’elle n’a jamais connu et un jeune prostitué (Daryl McCormack) qui semble assumer sans mauvaise conscience l’exercice de son métier. Malgré un argument qui faisait redouter le pire dans le registre de la comédie graveleuse, cette fiction énergique a tout d’une bonne surprise.

Elle a réservé une chambre dans un hôtel aussi luxueux qu’impersonnel et semble se préparer avec fébrilité pour un rendez-vous galant enivrant. Fausse piste… ou presque. Pour la première fois de sa vie, Nancy, une veuve qui a toujours mené une existence monocorde où la fantaisie et le plaisir ne figuraient pas au programme, a fait appel sur un site spécialisé à un « travailleur du sexe » pour découvrir en sa compagnie des territoires sensuels qu’elle n’a jamais osé arpenter. Il n’est jamais trop tard pour découvrir les joies (entre autres) de la fellation et du cunnilingus ? Il faut voir.

Quand on frappe à la porte de sa chambre, l’héroïne découvre celui qu’elle a payé : Leo, une vingtaine d’années, un charmant minois, une physionomie de rêve et une prévenance de chaque instant. Intimidée et honteuse, Nancy ne sait que faire de sa gêne, de son corps engourdi par des décennies d’ennui et s’égare dans des justifications que personne ne lui a demandées. Leo, élégant et professionnel jusqu’au bout des ongles et de ses sourires résolument « ultra brite », fait tout pour détendre sa « cliente » et la libérer de ses complexes. En vain.

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Peu à peu, au fil des rendez-vous qui suivent ce chaste premier tête-à-tête, les deux personnages apprennent à se connaître. À défaut de cavalcades érotiques exubérantes, ils s’abandonnent à des confidences qui dévoilent des aspects insoupçonnés de leur personnalité respective. Spécialistes, chacun dans leur genre, dans l’art du déni et de la dissimulation, les deux protagonistes s’aperçoivent que leurs rencontres, d’abord fixées pour des raisons qui n’avaient rien de spirituel, leur permettent de se raconter et qu’il n’y a aucune raison de le regretter.

Emma Thompson, le retour

On oublie les impasses de la farce graveleuse comme les voies balisées de la comédie romantique sirupeuse. Dans Mes rendez-vous avec Léo, l’Australienne Sophie Hyde, sur un scénario habile conçu par la comédienne anglaise Katy Brand, joue de l’unité de lieu (une chambre d’hôtel, donc) pour mettre en scène un film qui, malgré ses redondances et ses allures de « théâtre filmé », met à nu ses personnages avec bien plus d’audace que ne le laissait supposer son argument.

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Ce film à la fois cru et délicat « brasse » ses nombreux sujets d’étude (la nécessité d’éprouver du désir à tous les âges, les dégâts suscités par l’obsession de l’éternelle jeunesse, les blessures profondes liées aux traumas familiaux) avec un humour et une subtilité pas si fréquents et, surtout, bénéficie des prestations épatantes de ses deux acteurs. Daryl McCormack, impeccable dans le rôle du playboy faussement impassible et, surtout, Emma Thompson, impériale dans la peau de cette veuve, ancienne enseignante de profession, qui se prouve à elle-même qu’il n’est jamais trop tard pour sortir de ses tristes gonds. Il y a trente ans, la comédienne britannique remportait un Oscar de la meilleure actrice pour son rôle dans Retour à Howards End, de James Ivory. Si une nouvelle consécration devait intervenir trois décennies plus tard, personne ne hurlerait au scandale.

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« Mes rendez-vous avec Leo ». Sortie le 30 novembre.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne