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Depuis le 30 août, la vitesse st limitée à 30 km/h dans tout Paris, excepté certains grands axes et le Périphérique.
Depuis le 30 août, la vitesse st limitée à 30 km/h dans tout Paris, excepté certains grands axes et le Périphérique.

Limitation à 30 km/h : circuler dans Paris va-t-il coûter plus cher ?

Capitale sans voiture

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Depuis ce lundi 30 août, les voitures ne peuvent plus circuler à plus de 30 km/h dans la capitale, excepté sur certains grands axes. Augmentation de l'utilisation du carburant, courses en taxi à rallonge ou encore risque d'amendes, : quel impact cette mesure aura-t-elle sur le coût de la circulation à Paris ?

Un pas de plus vers une capitale sans voitures. Après un tour de vis supplémentaire sur la Zone à Faible Émission (ZFE) en juin dernier, la Mairie de Paris s’attaque désormais aux limitations de vitesse. Depuis ce 30 août, les automobilistes ne peuvent plus circuler au-delà de 30 km/h, mis à part sur le périphérique et certains grands axes de la capitale.

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Mais certains craignent surtout pour leur porte-monnaie : les courses en taxi deviendraient plus chères car plus longues ; plus encore, en réduisant leur vitesse à 30 km/h, les automobilistes pourraient consommer davantage de carburant qu'à 50 km/h. Sans compter sur les amendes pour excès de vitesse. Bref : la limitation à 30 km/h dans la capitale sera-t-elle ressentie aussi dans les porte-monnaie des clients de taxis et automobilistes parisiens ?

Plus ou moins de carburant ?

Premier point la consommation de carburant. Alors que les élus de la Ville brandissent plusieurs arguments en faveur de leur mesure - la sécurité routière, la réduction des nuisances sonores, mais surtout la limitation du trafic routier, rien, en revanche, à propos de la pollution, et donc de la consommation d'essence. Et pour cause : les effets de la limitation à 30 km/h sur ce point sont complexes à déterminer. L’étude du Cerema parue le 17 août, note que « pour les véhicules légers comme pour les poids lourds, les émissions sont importantes à très faible vitesse (jusqu’à 30 km/h environ), ce qui signifie que les situations de congestion du trafic routier sont très pénalisantes du point de vue de la qualité de l’air ».

À première lecture, la mesure semble donc plutôt pénalisante niveau pollution et consommation. Mais point important : « Le premier facteur influençant les émissions n’est pas la vitesse mais l’accélération », note également le Cerema . « Si on roule à vitesse stabilisée à 30 km/h, on consomme moins », confirme Nicolas Meilhan, ingénieur et conseiller scientifique pour France Stratégie. Or en poussant à une conduite plus tranquille, la limitation à 30 km/h permettrait justement d’éviter ces accélérations successives. Dans ce sens, les zones 30 pourraient bien permettre de réduire la consommation de carburant et seraient un atout pour nos économies. « Dans les villes concernées par ces zones 30, on voit surtout une conduite plus apaisée, plus tranquille », ajoute Alain Sauvant, professeur d’économie et de politique des transports à l’école des Ponts et Chaussées.

Bémol : il faudra probablement attendre que les automobilistes s’habituent à cette nouvelle vitesse, ou encore que certains décident de laisser leur voiture au garage pour y préférer le vélo ou les transports en commun. D’ici là, l’engorgement redouté pourrait bien avoir l’effet inverse.

Les taxis, grands perdants ?

Faut-il aussi s’inquiéter pour le prix des courses en taxi ? Première chose : les trajets vers les aéroports ont des prix fixes, qui restent inchangés. Mais pour le reste, avec une vitesse réduite, la course s’allonge alors que le compteur tourne. À Paris, le tarif n’est pas le même lorsque l’on dépasse les 30 km/h. Au-dessus, c’est une tarification kilométrique : le client paie en fonction de la distance parcourue. En dessous, en revanche, le prix dépend de la durée de la course. « Cela permet de compenser la perte liée à la marche lente. Sans ça, dans les embouteillages, on perdrait de l’argent », nous explique le président de l'UNT.

Avec la mesure, le tarif horaire devient prépondérant, et le prix pourrait rapidement augmenter. Mais dans les colonnes du Figaro , Jean Barreira, président de l'association Les Nouveaux Taxis Parisiens, détaille qu’une « course de 16,7 km prenait 20 minutes à 50 km/h, pour un montant de 20,80 € ». Désormais, « la même distance parcourue à 30 km/h prendra pour sa part 33 minutes, pour un montant de 21 € ». Pas vraiment une explosion du coût. « Et globalement, en dehors des grands axes qui restent à 50 km/h, on dépasse déjà rarement les 30 km/h dans la capitale, donc le tarif restera similaire », ajoute Alain Sauvant.

« Mais c’est le chauffeur qui risque de perdre au change », explique Mousseline Berrata : « Il passera plus de temps avec chaque client, pour un montant équivalent, et en prendra donc moins ». Sur le long terme, celui espère donc que la mesure engendrera une baisse du trafic, permettant de rééquilibrer le temps passé avec chaque client. « On met autant de temps à faire une course avec des limitations à 50 km/h et beaucoup de bouchons, qu’avec 30 km/h mais une circulation fluide », assure-t-il.

Amende de 135 €

Enfin, autre coût potentiel : celui des amendes. En effet, il y a fort à parier que certains mettront du temps à s’habituer à la mesure. Il existe heureusement peu de radars fixes à Paris : on en dénombre une petite dizaine, en dehors de ceux placés sur le Périphérique, qui n’est pas concerné par la mesure. Les contrôles directs par les policiers sont eux aussi relativement rares. En cas d’excès de vitesse de moins de 50 km/h, l’amende s’élève cependant à 135 €. Mouhssine Berrata, président de l'Union nationale des taxis (UNT) à Paris, demande ainsi une période d'adaptation : « Dans un premier temps, il faut uniquement des avertissements, sinon on ne s’en sortira pas », assure-t-il auprès de Marianne.

Mesure de long terme

En bref, si dans un premier temps, les courses en taxi et factures de carburant pourraient voir leurs montants augmenter à cause de la limitation, sur le long terme, la mesure pourrait limiter le coût de la circulation pour les usagers grâce à une circulation moins dense et plus fluide. Mais pour cela, il faudra compter sur le bon vouloir des usagers. « Est-ce que cela va fonctionner, réduire le trafic ? Favoriser le vélo ? », interroge Nicolas Meilhan. Argument pour : faire du vélo deviendra moins dangereux, et potentiellement aussi rapide que la voiture, l’écart de vitesse entre les deux se réduisant. « Mais ceux qui prennent la voiture ont-ils le choix ? », poursuit l'ingénieur. En Île-de-France, selon une étude de l'Insee parue en 2019, 11% des Parisiens utilisent leur voiture comme moyen de transport principal pour se rendre au travail, contre 43% des salariés habitant en banlieue parisienne.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne