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À Besançon, la FNSEA chahute Le Pen et plébiscite Roussel et Lassalle
Jean Lassalle arrivait lui en terrain conquis. Il a été acclamé dès son arrivée. Et il a fait un show dont il a le secret, aussi à l’aise qu’un ministre macroniste devant un diaporama de McKinsey. Lassalle sait parler aux agriculteurs.
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À Besançon, la FNSEA chahute Le Pen et plébiscite Roussel et Lassalle

L'humeur de David Desgouilles

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Depuis ce lundi 28 mars, la FNSEA [Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles] tient congrès à Besançon. Pour finir en beauté, des candidats à l’élection présidentielle passaient leur grand oral devant l'assistance. Géographiquement, notre chroniqueur David Desgouilles était le mieux placé pour rendre compte aux lecteurs de « Marianne » de cette revue d’effectifs.

Les non-invités

Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-Aignan et Philippe Poutou

De manière arbitraire, le syndicat agricole avait décidé de fixer à 2 % le seuil donnant le ticket d’entrée à leur grand oral présidentiel. Trois candidats étaient ainsi exclus. La règle est d’autant plus arbitraire que deux points de sondages, c’est la marge d’erreur, et que Nicolas Dupont-Aignan atteint parfois ce seuil dans certains instituts...

Les absents

Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon

Ces trois candidats avaient décliné l’invitation de la FNSEA. Yannick Jadot avait préféré consacrer un déplacement à la ruralité à Margny-sur-Matz (Oise). Il participait d’autre part à la matinale d’Europe 1. Jean-Luc Mélenchon aurait pu prétexter l’invitation de la matinale de France Inter pour ne pas prendre la direction d’une ville qu’il connaît bien pour y avoir été étudiant. Raté ! Éric Zemmour était à la même heure l’invité de RMC et BFMTV et a néanmoins pu prendre le TGV pour Besançon. Ils auraient même pu se croiser au wagon-bar.

Journalistes à Politico, Juliette Droz et Pauline de Saint-Rémy, ne signalent rien du tout dans l’agenda d’Anne Hidalgo pour l’excuser d’avoir séché le congrès de la FNSEA. Peut-être la maire de Paris n’avait pas grand-chose à dire aux congressistes, à moins qu’elle n’ait voulu se montrer solidaire des exclus mesurés sous la barre des 2 %, pressentant qu’elle pourrait bientôt se retrouver en leur compagnie ?

Les sereins

Marine Le Pen et Emmanuel Macron

La candidate RN était présente à Besançon tandis qu’Emmanuel Macron, qui devait présider conseils de défense et des ministres, avait obtenu une dérogation en envoyant une vidéo enregistrée la veille. Rien de notable pour les deux candidats placés en tête des sondages. Ils tenaient surtout à démontrer qu’ils avaient bien travaillé leur sujet, qu’ils étaient de bons élèves. Emmanuel Macron, parce que c’est son habitude de faire ainsi étalage de sa connaissance précise des dossiers, Marine Le Pen parce qu’elle veut absolument donner l’image d’une candidate qui, cette fois, les a travaillés. Elle a toutefois été chahutée en raison de sa volonté de donner un statut à l’animal, suscitant l’inquiétude des agriculteurs.

Elle a assumé la position de manière sereine, précisant qu’un animal ne devait plus être considéré comme un meuble, comme le dit actuellement le Code civil, et qu’un véritable travail législatif sur le statut des animaux devait avoir lieu, aussi bien pour les protéger que pour protéger leurs propriétaires des excès écolo-radicaux et animalistes. Lors d'un point presse, elle a aussi envoyé une flèche à Éric Zemmour qui l’avait qualifiée sur BFMTV de « candidate des ouvriers et des petits employés ». Elle a fustigé son « mépris de classe ». Nous attendions avec impatience la réponse du berger à la bergère, un peu plus tard dans la matinée.

Les nerveux

Valérie Pécresse et Éric Zemmour

Non seulement la candidate LR n’a pas respecté les horaires pour tenir le point presse prévu par l’organisation du congrès, juste après son intervention, mais celui qu’elle a improvisé avant de prendre la parole devant les congressistes s’est achevé au bout de la première question d’un journaliste qui l’interrogeait sur la prise de position du président des fédérations de chasse en faveur d’Emmanuel Macron. Signe de nervosité du côté de l’équipe Pécresse ? Le fait que Nicolas Sarkozy refuse de lui apporter son soutien et ne sera pas dimanche à la Porte de Versailles peut sans doute y contribuer. Une dignitaire de LR présente au côté de la candidate ce mercredi à Besançon n’hésitait plus à reconnaître que « Nicolas Sarkozy souhaite un accord avec Macron, et nous pas du tout ». Il y a effectivement de quoi rendre nerveux…

Quant à Éric Zemmour, s’il a été le seul à évoquer la nécessité de briser l’oligopole des centrales d’achat de la grande distribution, il a pu aussi montrer sa nervosité lors du point presse, répondant à Marine Le Pen qui plus tôt avait regretté son mépris de classe. Il l’a renvoyée aux manoirs dans lesquels elle avait grandi, rappelé que son père Jean-Marie l’avait lui-même qualifiée de « bourgeoise ». Et il a ajouté qu’il ne faisait pas preuve, contrairement à la candidate RN, de clientélisme. Ne faut-il pas voir dans sa diatribe du matin et sa réponse à Marine Le Pen à Besançon une nervosité qu’on peut mettre sur le compte de l’échec de sa stratégie de campagne d’union des droites, alors que l’appui de Marine Le Pen sur un bloc populaire s’avère davantage payant ? C’est bien possible…

Les joyeux drilles

Jean Lassalle et Fabien Roussel

Le candidat communiste avait l’honneur d’ouvrir la matinée et le berger béarnais celui de la clôturer. Et tous les deux ont séduit leur auditoire avec force traits d’humour. L’opération séduction n’était pas gagnée d’avance pour Fabien Roussel puisque le PCF n’a jamais été très proche de la FNSEA. Mais ses déclarations désormais célèbres sur « un bon vin, une bonne viande, un bon fromage » lui donnaient un préjugé favorable auprès des congressistes et il en a admirablement joué, précisant qu’il était fier d’être le seul candidat de gauche à plancher devant eux.

Jean Lassalle arrivait lui en terrain conquis. Il a été acclamé dès son arrivée. Et il a fait un show dont il a le secret, aussi à l’aise qu’un ministre macroniste devant un diaporama de McKinsey. Lassalle sait parler aux agriculteurs. On s’est même demandé s’il ne postulait pas à la succession de Karine Lemarchand lorsqu’il a évoqué les soucis matrimoniaux des agriculteurs. Si l’animatrice vedette de M6 devait lui faire défaut, la chaîne a un successeur tout trouvé pour « L’amour est dans le pré ».

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne