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"Autonomie" de la Corse : Macron ouvre la boîte de Pandore

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En proposant ce jeudi 28 septembre à la Corse « une autonomie dans la République », Emmanuel Macron risque de doper les revendications territoriales… et de se heurter à une impasse politique.

C’est le quatrième déplacement en Corse d’Emmanuel Macron depuis sa première élection en 2017. Et le discours que le chef de l’État a prononcé devant l’Assemblée de Corse, à Ajaccio, ce jeudi 28 septembre, pourrait rester un tournant historique dans les relations tourmentées entre la République et l’île. « Pour répondre au besoin de reconnaissance, éviter de nouvelles confrontations, allons au-delà des totems pour les uns, des tabous pour les autres, a-t-il solennellement déclaré. Au fond, ayons l’audace de bâtir une autonomie à la Corse dans la République. »

Cette concession majeure aux nationalistes corses, qui sont aux manettes de la collectivité depuis huit ans, est l’aboutissement d’un cycle de discussions commencé après la mort d’Yvan Colonna , agressé en prison par un islamiste, alors qu’il purgeait une peine de perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac. La Corse avait alors connu un déchaînement de violences. C’était en pleine campagne présidentielle de 2022 et Gérald Darmanin, déjà ministre de l’Intérieur à l’époque, avait déclaré, pour calmer les esprits, que le gouvernement était prêt « à aller jusqu’à l’autonomie », sans donner de contenu précis à ce mot.

Macron lâche du lest… Beaucoup de lest

Les nationalistes, eux, ont poussé loin leurs revendications. Le 5 juillet dernier, ils ont adopté une résolution réclamant l’exercice du pouvoir législatif dans à peu près tous les domaines, à l’exception du régalien. Ils souhaitent aussi un statut de résident, la co-officialité de la langue corse et l’inscription du peuple corse dans la Constitution. Ce jeudi 28 septembre, Emmanuel Macron n’a pas accédé à toutes ces demandes, mais a lâché beaucoup de lest, en appelant à une « nouvelle étape institutionnelle », à commencer par l'inscription de la Corse dans la Constitution.

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Le président risque de rouvrir une boîte de Pandore. Même s’il a prévenu que ce ne serait « pas une autonomie contre l'État, ni une autonomie sans l'État », la question du degré d’autonomie et de ses modalités (notamment financières) reste une vertigineuse inconnue. Autrement dit, l’État va-t-il continuer à financer des leviers qu’il ne pourra plus actionner ? Cette promesse devrait aussi faire des émules. Hasard de calendrier, ce jeudi, Élisabeth Borne intervenait devant le Congrès des régions, à Saint-Malo. À cette occasion, le président du conseil régional de Bretagne, Loïg Chesnais-Girard (ex-PS), lui a remis un rapport réclamant davantage d’autonomie, au nom de « la spécificité régionale bretonne »… Qui seront les prochains ?

Embûches

Reste que la concrétisation juridique de l’autonomie corse s’annonce pavée d’embûches. Emmanuel Macron a donné « six mois » aux groupes politiques qui composent l’Assemblée de Corse pour s’entendre sur un accord à propos du futur statut de l’île. Or, les nationalistes sont pris en étau entre les indépendantistes – qui refusent le compromis – et l’opposition de droite – pas prête à aller aussi loin qu’eux dans l’autonomie.

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Si les forces politiques corses venaient malgré tout à trouver un terrain d’entente sur un projet de réforme constitutionnelle, Emmanuel Macron buterait sur un nouvel obstacle : le Sénat, à majorité de droite, n’entend pas lui faire de cadeau, alors que son accord est indispensable pour modifier la Constitution. À l’été 2018, une réforme qui prévoyait (entre autres) de mentionner la Corse dans le texte suprême a capoté à la chambre haute en raison de l’affaire Benalla. C’est dire si un tel processus rappelle au président de mauvais souvenirs.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne