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Affaire Bonfanti, chasseur décapité… ces quatre dossiers criminels qui ont rebondi en 2022
Des recherches pour trouver la dépouille de Marie-Thérèse Bonfanti en juin 2021 en Isère.
PHOTOPQR/LE DAUPHINE/MAXPPP

Affaire Bonfanti, chasseur décapité… ces quatre dossiers criminels qui ont rebondi en 2022

Rétrospective

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En 2022, plusieurs affaires criminelles ont enfin été élucidées, ou du moins l'enquête a-t-elle bénéficié d'un pas de géant, après des années de surplace. Focus sur quatre dossiers dont les rebondissements ont marqué l'année.

L’affaire Marie-Thérèse Bonfanti, élucidée 36 ans après les faits

Depuis 36 ans, l'affaire Marie-Thérèse Bonfanti restait une énigme. Cette vendeuse de journaux avait disparu le 22 mai 1986 alors qu’elle effectuait sa tournée à Pontcharra, en Isère. Le soir même, son mari donnait l’alerte, inquiet de sa disparition. À l’époque, son corps n’avait pas été retrouvé et l’enquête avait conduit à un non-lieu, en 1988. Mais un homme, Yves Châtain, alors âgé de 21 ans, avait tout de même été placé en garde à vue après la disparition de la jeune femme. Le soir de sa disparition, cette mère de deux enfants, avait garé sa voiture devant le domicile de cet individu.

Des témoins assuraient avoir « entendu un cri de femme, un hurlement de panique durant une dizaine de secondes » provenant de l'immeuble de Châtain. Un de ces riverains affirmait également avoir remarqué un chien affolé qui courait dans tous les sens dans la cour de la propriété. Par ailleurs, Yves Châtain était déjà connu pour avoir agressé plusieurs femmes, et condamné une fois pour avoir tenté d'étrangler l'une d'elles.

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Malgré ces éléments troublants, le suspect avait finalement été libéré, faute de preuves tangibles. En 2020, c’est un mémoire transmis à la justice par le frère de la victime qui a finalement convaincu le procureur de la République de Grenoble de relancer l’enquête. Ses travaux recensent une série de faits saillants, mettant en cause directement Yves Châtain. En mai dernier, il est finalement arrêté et avoue le meurtre de la jeune femme, 36 ans après le crime. Il indique aussi aux enquêteurs le lieu où le corps aurait été caché. Selon ses explications, il aurait eu une altercation verbale avec Marie-Thérèse Bonfanti avant de l'étrangler puis de dissimuler sa dépouille.

En octobre, on retrouve un crâne sur le lieu désigné par Yves Châtain. Des analyses révélent qu’il s’agit bien de celui de Marie-Thérèse Bonfanti. La question est désormais de savoir si un procès peut avoir lieu, l'affaire étant officiellement prescrite depuis 1998. Une requête de rejet de prescription sera examinée en ce sens le 24 janvier 2023. Les enquêteurs s’intéressent aussi désormais à l’éventuelle implication d’Yves Châtain dans d’autres cas similaires dans la région de Pontcharra : comme le dossier Liliane Chevènement, étranglée avec du fil de fer en 1981. En 1984 et 1985, trois autres femmes ont disparu en faisant du stop.

Farid El Haïry, innocenté d’une condamnation pour un viol commis en 1998

Le cas de Farid El Haïry est rarissime : cela faisait 24 ans qu’il se battait pour prouver son innocence. En 1998, alors qu’il a 17 ans, il est accusé par une adolescente de 15 ans, Julie D., d’un viol et d’une agression sexuelle. Pour ces faits, il avait été condamné en 2003 à cinq ans de prison – dont quatre ans et deux mois de prison avec sursis. Dès le début de l’affaire, Farid El Haïry, aujourd’hui âgé de 41 ans, n’avait cessé de se présenter comme innocent, affirmant notamment qu’il n’avait « jamais eu de rapport sexuel ». Pendant 15 ans, il doit pointer chaque année au commissariat pour indiquer l’adresse où il vit.

En 2017, l’accusatrice de Farid El Haïry, Julie D., envoie une lettre au procureur général de Douai. Elle confesse avoir menti. « Monsieur Farid El Haïry n'est coupable de rien. (...) J'étais enfermée dans mon propre mensonge et coincée dans l'emprise du secret familial », écrit-elle. Elle ajoute dans ce texte avoir été victime d’incestes répétés de la part de son grand frère entre 8 et 12 ans, contre qui elle a d’ailleurs déposé plainte. Cette femme, aujourd’hui âgée de 39 ans, dit être allée au bout d’un long processus de psychothérapie pour avouer son mensonge.

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Mais il faudra attendre l'été 2022 pour que les autorités avertissent Farid El Haïry de ce rebondissement. « Je paie mes impôts. Je travaille. Je suis délégué syndical ! Pour ça, on me trouve ! », déplore-t-il, en colère, dans le Monde. Finalement, le 15 décembre, la cour de révision a tranché : Farid El Haïry est déclaré innocent par la justice.

C’est la douzième fois depuis 1945 qu’un condamné aux assises est finalement blanchi par la justice. Farid El Haïry compte désormais porter plainte contre son accusatrice pour « dénonciation calomnieuse ». « On ne peut pas effacer vingt-quatre ans de douleur, de souffrance et d'insultes. J'ai fait une année d'incarcération mais les vingt-trois ans d'incarcération mentale, c'est ce qu'il y a de plus difficile », a-t-il réagi à la sortie de l'audience qui lui a rendu son honneur.

Christophe Doire, le chasseur décapité retrouvé le jour de Noël 1995

Le meurtre de ce chasseur, retrouvé décapité dans un fossé à Busset, dans l’Allier, le jour de Noël 1995, restait un mystère. La piste d'un règlement de comptes dans le monde de la chasse semblait privilégiée. En juin dernier, contre toute attente, sa veuve, Maria M., est finalement mise en examen.

Maria M. et Christophe Doire formaient un couple sans amour, dans un contexte de violences conjugales. La veille de la disparition de Christophe Doire, sa compagne avait fait tomber son sèche-cheveux dans la baignoire où le chasseur se lavait, laissant penser à une préméditation du meurtre.

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Lors de sa garde à vue, en juin dernier, Maria M. a continué de nier tout en bloc. Les violences commises par Christophe Doire, alcoolique, envers elle mais aussi son fils âgé de 9 ans au moment des faits, constituent un double mobile pour la veuve. La question d’un potentiel crime collectif se pose cependant aux yeux des enquêteurs. Un mystérieux ADN masculin retrouvé sur des scellés pourrait mener à la résolution totale de l'énigme.

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Le « prédateur des bois » arrêté grâce à la technique de l’ADN de parentèle

Recherché pour cinq enlèvements, viols et séquestrations en région parisienne et en Charente-Maritime entre 1998 et 2008, le violeur en série surnommé « le prédateur des bois » aurait enfin été identifié en 2022, grâce à la technologie de l’ADN de parentèle. Cette méthode permet de remonter jusqu'à un individu en comparant des séquences génétiques isolées sur la scène de crime avec des individus fichés susceptiblés de faire partie de sa famille. En clair, faute d'avoir le suspect sous la main, on cherche d'abord l'un de ses parents dans les registres des enquêteurs. Dans le détail, Bruno L. a en partie été identifié grâce à plusieurs comparaisons de données génétiques en Europe et aux États-Unis. La description physique du violeur, qui agissait à visage découvert, faite par les victimes a également permis de resserrer l'étau.

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Arrêté et mis en examen mi-décembre, il a reconnu avoir commis tous ces viols sauf un. Âgé de 62 ans, Bruno L. vivait à Courtry, en Seine-et-Marne, avec sa compagne. Le mode opératoire était toujours le même : l'enlèvement d’une adolescente en ville, suivi d'un viol dans une forêt, sous la menace d’un couteau. Lors de sa garde à vue, il a dit avoir agi car il était « pris de pulsions ». Il a été incarcéré à la prison de Fleury-Mérogis. La police va désormais rechercher si d’autres victimes peuvent lui être imputées.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne